jeudi 30 octobre 2014

SPIN&GO : la leçon de D. Negreanu

A quelques semaines d’intervalle, deux personnages très influents de la sphère poker ont démontré qu’en termes de communication, la forme peut prendre le pas sur le fond. D’un côté David Baazov, PDG d’Amaya Gaming Group, de l'autre Daniel Negreanu, joueur professionnel membre de l’écurie Pokerstars. Le 14 Août 2014, lors de la diffusion des résultats du deuxième trimestre 2014, le premier déclarait à propos de Rational Group, maison mère de Pokerstars et Full Tilt Poker rachetée il y a quelques mois, « l’entreprise a une clientèle fidèle et récurrente, attirée par l’importance qu’elle accorde à la protection des joueurs et à l’intégrité du jeu, et aussi par les tournois, les formats de jeu et les logiciels innovants. » Sans faire plus de vagues, notamment de la case où il plaçait le Cash Game dans tout cela. Le 10 Octobre 2014, à l’occasion d’un sujet sur le forum anglo-saxon2+2, sous son pseudo 'DNegs', le second jetait un rocher dans la mare :

« Vous savez ce qui tue le jeu et détruit l’écosystème du poker plus que tout, les gars ? Les joueurs gagnants ! »

Le rapport entre les deux ? Le lancement sur la plateforme Pokerstars.com des Spin&Go, un des fameux formats de jeu innovants auquel D. Baazov avait fait allusion quelques semaines plus tôt. Sur son blog Tiltbook, le joueur MASUR0N1KE décrivait sa vision de l’impact qu’aurait ce format sur le segment SnG de la room. Il annonçait une pétition à venir, relayée sur le forum 2+2, où elle ne suscitait pas un engouement démesuré, avec 4 pages seulement en un mois. Jusqu'à l’intervention de quelques lignes du pro Canadien qui enflammait les discussions avec plus de 800 messages publiés en dix jours. En termes de communication, on appelle cela un buzz.
Outre cette accroche racoleuse, cette intervention a le mérite de remettre les choses en perspective, y compris pour nous joueurs français, prisonniers de notre autarcie pokeristique. Le poker mondial fait face à une crise durable : la régulation des marchés se poursuit à rythme soutenue (le Royaume-Uni dans quelques jours, la Russie attendue pour Juin 2015 selon certains professionnels du secteur, les Pays-Bas, ...). Cela signifie d’abord une fiscalisation et donc des revenus amputés de toutes les taxes, impôts, prélèvements, et autres TVA que les états mettent en place. Phénomène amplifié par les cloisonnements en série qui entraînent une baisse du pool mondial. Si l’on ajoute un niveau général logiquement en hausse, les rooms ont surtout du mal à renouveler la population essentielle qui tend à disparaître : le joueur qui cash in. Il y a dix ans, la machine tournait à plein régime à coups de bonus et offres de rakeback pour faire marcher la pompe à rake et courir les regs. Aujourd’hui, les regs jouent toujours mais la liquidité diminue inexorablement, les joueurs perdants (occasionnels, récréatifs ou regs) se détournant d’un jeu où ils perdent de plus en plus vite.

Daniel Negreanu va même plus loin : « Croyez-moi, vous ne voulez pas que je sois un jour en charge du système de fidélité : je donnerai les bonus exclusivement aux joueurs PERDANTS ! ». Tollé chez les joueurs réguliers qui revendiquent une juste rétribution à leur contribution au chiffre d’affaires des opérateurs. Pourtant, le pro Pokerstars ne parle que des joueurs gagnants, qui vivent des joueurs faibles que la room recrute et/ou fidélise à prix d’or. Une partie de ces gains est ensuite retirée, ce qui est donc contraire à l’intérêt de la room et fait baisser la liquidité. Dans ces conditions à quoi bon lui offrir en plus des bonus ? Pour autant, tous les joueurs réguliers ne sont pas gagnants, bien au contraire. Beaucoup des joueurs qui s’insurgent ne seraient donc pas forcément concernés, notamment la kyrielle de "rakeback pro".

Le manque de pragmatisme et de stratégie à moyen / long terme : un leak important de la communauté joueurs.

Il y a effectivement matière à réflexion. Que le discours plaise ou non, les opérateurs n'ont pas vocation à entretenir des salaires à des gens qui ne comptent pas parmi leurs salariés. Elles ont intérêt à trouver le meilleur moyen de faire tourner une liquidité qui grossit. Ce que pointe avant tout D. Negreanu, c'est l'incapacité des joueurs à être capable de remettre en question leurs évidences, envisager des concessions pour conserver les avantages qui leur sont réellement dus, être proactifs. Ce pragmatisme et cette vision, les opérateurs ne se gênent pas pour les afficher. Pokerstars n'est plus la room de poker que nous avons connue. Le rachat par Amaya Gaming a dessiné un changement total de stratégie où le poker et le service client laissent la place au gambling et au cost killing. Avant-hier les jeux de casino sur Full Tilt et pokerstars.es, hier le Spin&Go, aujourd'hui les coûts de change sur le .com. Demain ... ?
Même notre champion local a compris que le seul poker ne permettait pas d'optimiser le revenu à tirer d'une base clients. En trois semaines de juin, Winamax annonçait 5% de part de marché en paris sportifs, en s'appuyant sur un portefeuille de joueurs poker et sur le principe simplissime de bankroll commune aux deux activités. Sans aucune communication, il serait naïf de croire que les revenus tirés des paris sportifs concernent des nouveaux joueurs. Une partie des fonds poker est partie ailleurs, il faut donc trouver des solutions pour faire deposit et revenir des clients occasionnels : Go Fast, Tables incognito, bonus reload Winamax Series, activité commerciale soutenue autour des pros maison : Flying Expressos justement avec volatile38, Top of The Pok, Check Up de MIK.22. L'objectif de la room était double : optimiser son revenu par client sur le portefeuille existant, et empêcher ses clients poker de parier chez d'autres opérateurs pour la plupart concurrents sur le segment poker. Dans tous les cas, le recrutement de nouveaux prospects ne jouant pas au poker et l'apport de liquidités supplémentaires restent très hypothétiques.

Les joueurs doivent adopter une approche identique aux autres acteurs du marché : économique. En devenant force de proposition, ils seraient plus à même d’encadrer les changements, accompagner les stratégies sans en subir uniquement les effets négatifs comme dans le cas des Spin & Go.  Pour cela, il faut dépassionner la vision du poker. A l'image de MASUR0N1KE, écrivant assez naïvement qu’il avait toujours vu Pokerstars « comme la seule room vraiment intéressée par ses clients qui faisait tout pour le poker ». Les joueurs français apprécieront en se rappelant la modification du système de fidélité en catimini un soir de fin décembre, les modifications des règles de tournois en cours (American Airlines en mai, tournoi Flights en juin), les contreparties abusives en termes de session de droits d’images lors des live, ...




Lutter contre le format Expresso n'est pas une option, car ils apportent un volume indéniable, un vecteur de recrutement et un axe de communication porteurEn revanche, exiger des contreparties au lancement des ersatz Twister iPoker et Spin&Go Pokerstars ne serait pas totalement dénué de sens : sur le segment Hyper Turbo SNG shorthanded, le plus proche de ces variantes, les rooms concernés infligent à leurs joueurs une double peine : ils siphonnent les SnG habituels sans proposer de contreparties. Sur les Hyper 10€, Pokerstars prélève ainsi un rake de 8.70%, qui monte à 10% sur Everest, Unibet ou Turbo Poker. En comparaison, Winamax prélève 5,40%, soit 38% de moins que Pokerstars et 46% de moins que les skins d’iPoker !
Même en Hyper HU, le leader français reste mieux disant : 4,70% contre 5% sur iPoker et 6% sur Pokerstars. Pour rappel, la room française paye la TVA ... elle !

Dans un marché en mutation, les acquis et les dogmes n'existent plus. Les opérateurs vont tenter de limiter toujours plus ce que les réguliers monopolisent sans véritable légitimité. A ces derniers de devenir force de proposition, notamment sur des sujets proches, avant que les rooms ne le fassent de manière unilatérale :
La poignée de joueurs qui accaparent les challenges et leaderboards sont contre-productifs pour l’écosystème et pour eux-mêmes. Ils feraient mieux d’obtenir la contrepartie que leur volume mérite et laisser ces promotions à leur véritable objectif : attirer et fidéliser les joueurs occasionnels, récréatifs sur lesquels ils sont sensés gagner de l’argent aux tables.
Les rake races ne peuvent permettre aux affiliateurs de faire réellement le métier d’apporteur d’affaires si les mêmes joueurs trustent toujours les places payées.
L’accès aux bonus reload à l’occasion des Series de tournois n’est pas une évidence économique. Leur objectif est de compenser la liquidité qui disparaît dans la bankroll de quelques gagnants de gros Events, pas d’offrir un rakeback supplémentaire aux regs. C'est pourquoi les rooms limitent les montants de ces bonus ou créent des variantes, tel le Bonus Jackpot lors des Summer Shots Winamax.
Les freerolls quotidiens maintiennent une frange de la population poker dans la gratuité. Limiter leur accès aux joueurs perdants, déposants, sur une durée limitée permettrait d'augmenter la liquidité sur l'offre payante.

Les regs sont importants, mais plus aussi indispensables qu'ils se le laissent croire : le joueur faible appelle le reg, l'inverse n'est pas vrai. En ciblant le premier, les rooms font coup double. Daniel Negreanu, lui, n'a fait que dire tout haut ce à quoi plusieurs opérateurs réfléchissent déjà, et pas uniquement sur le .com. Libre aux joueurs, maintenant, de n'être que spectateursOu acteurs.


soxav

mercredi 1 octobre 2014

BILAN DE BILAN : Winamax Series X

Winamax Series X : l'heure du bilan
Qui dit Winamax Series dit bilan chiffré, l’heure du bilan, grand bilan. Bref on fait le bilan comme de coutume depuis la troisième édition. Rendez-vous sur la page Actus de la room. Et ici pour le décryptage ...
Ce qui ressort en premier lieu ? Les Winamax records sont devenus une série. Lors de la saison III, ils étaient nombreux, les records à être tombés, tandis que dans l’épisode suivant tous les records établis précédemment explosaient. Pour sa première diffusion sur un mois de janvier, la saison V faisait dans le sobre : de nouveaux records. Mais c’était sans compter sur une suite en apothéose : la sixième édition a permis de battre de nouveaux records, immédiatement balayés par une septième mouture qui n’aura que trois petits mois de gloire avant un opus VIII rendant obsolètes les records établis auparavant. On perd malheureusement un personnage principal de cette saga lors de la saison IX, qui ne fait rien mieux que ses prédécesseurs. Mais c’était pour mieux rebondir et finir en avalanches de records pour cette première quinzaine de septembre 2014 selon kinshu.


6 679 898€ distribués
Les WS X ont distribué près de 6,68 M€, en progression de 5% sur la huitième édition, jusque-là au sommet, qui ne proposait alors que 64 Events contre 76 ce mois-ci. En moyenne chaque tournoi offrait 99.235€ en janvier contre 87.893€ cette fois. Une croissance de prizepool générée donc principalement par des tournois supplémentaires, mais qu’il faut nuancer en comparant à périmètre constant. En septembre 2013, cette moyenne atteignait 86.966€ par Event. Une relative stabilité dont la seule évolution notable reste la questiondu montant de liquidité ainsi dilapidée.

213 949
C’est le nombre total d’inscriptions cumulées sur l’ensemble des épreuves. Là encore, il s’agit d’un nouveau tour de magie, la plus grosse participation jusqu’à maintenant ayant été enregistrée lors des Winamax Series VIII avec 203 647 inscriptions. Impossible en revanche de connaître le nombre de comptes joueurs auquel cela correspond et l'évolution véritable de cette donnée. Autre Chiffre non communiqué par la room mais qui serait pourtant extrêmement instructif : la tendance du nombre de joueurs participant à au moins un Event. Augmentation, stabilité ou régression ? Si elles ne permettent pas de recruter de nouveaux prospects, alors leur intérêt n’en est que plus discutable, tout particulièrement du côté joueurs.

LE MILLION
177.500€ pour -Souilleuse-, vainqueur du tournoi aux 7374 buyin sur trois jours, environ 100.000€ pour ses trois challengers, dont un Néerlandais runner up, et 500.000€ dans les poches de cinq joueurs. De l’autre côté du marché, c’est un membre de Clubpoker, Keeeeg, qui signe une grosse perf et « ship son premier MTT sur un Sunday Million ».  Avec un BI de 250€ (vs 150€ pour le Main Event mais sans Re-entry) ce dernier n’aura dépassé la garantie que de 38 petits joueurs mais aura englouti lui aussi 500.000€ dans les comptes de seulement six joueurs. Au-delà de ces chiffres (1.066K€ de prizepool Winamax vs 1,008K€ pour Pokerstars), un même constat.
Il aura fallu distribuer des centaines de tickets pour éviter un bouillon : dès le 12 août, tous les tournois majeurs de Winamax incluait 150€ pour toutes les places payées de 1500€ et plus (250 tickets hebdomadaires estimés) prélevés sur les gains (et non en added comme beaucoup de joueurs ont pu le comprendre). Sur Pokerstars, le Minuit Express incluait 5 tickets par jour au mois d’août (155 tickets) avant de passer à 10 en septembre (110 tickets), le Sunday Warm Up intégrait 40 tickets sur les six dimanches précédents l’événement (240 tickets en tout), tout comme le Classico du 07/09. Le jour même, les Marathon / Sprint Final / Ligne d’arrivée, qualifiers géants, garantissaient pas moins de 400 tickets (au final 537 entrées financées de la sorte). Technique fructueuse, qui vient compléter une distribution massive de tickets gratuits : VIP Freeroll (sur dépôt de 250€), Freeroll du Million (en fait un Freebuy 1€) pour assurer 60 places chez Pokerstars, quatre Freeroll WSeries pour … 400 entrées au Main Event, des tickets pour animer communautés et clubs chez Winamax.

Les grands vainqueurs ? L’état, sans même avoir entendu parler de ces tournois, qui engrange près de 50K€ sur ces deux tournois. Et Pokerstars, grâce à la Malte attitude, qui enregistre un résultat après prélèvement et frais de promotion (tickets offerts) estimé à 45K€.
Derrière, le Million Event Winamax, pourtant mieux doté au final, mais bien plus taxé que son concurrent, ne rapporte « que » 65K€ hors prélèvement. Soit approximativement l’équivalent des tickets offerts en promotions diverses.
Fermant la marche, on retrouve l’ensemble des joueurs qui ne peut qu’espérer que la dizaine de joueurs qui s’est partagé ces pactoles viendra tout remettre aux tables. Histoire de se convaincre qu’ils n’ont pas tout perdu. Pure utopie …

Places d’honneur pour le Team Winamax


Dernières  Winamax Series en direct de Londres pour le Team Winamax : quelques places d’honneur mais d'autres préoccupations locatives en tête probablement. Sujet qui peut prêter à sourire mais dont on a vu les retombées la semaine dernière avec l’annonce des FCOOP Pokerstars, mais pas des garanties associées. Démarrant le 02 Novembre, cette Serie a vu la date de la fermeture de l’accès depuis le Royaume-Uni être décalée d’un mois, soit au … 01 Novembre. Allez, encore un petit effort de lobbying outre-Manche et on va pouvoir une nouvelle fois enterrer un peu plus notre liquidité.

Le plus fréquenté
Avec le format Re-Entry, l’event 10€ (#10 cette fois) est toujours le recordman. Avec 21789 entrées, il progresse de 5% par rapport à l’édition d’avril 2014, et de 10% sur la même édition l’an passé. Janvier reste néanmoins plus prolifique avec 9% de buyin supplémentaires. En overlay de 400 joueurs cette fois, il représente néanmoins un substantiel résulat positif de près de 15.000€(hors taxes).
La limite technique des 10K joueurs du Sunday Surprise ayant été levée, le tournoi phare de la room a connu un beau succès avec 11176 joueurs, atteignant sa garantie de soixante-cinq joueurs.

Vite fait, ... fait ! 

Le fameux Expresso qui fait couler tant d’encre a fait le bonheur de plus de 2500 joueurs sur les trois événements organisés en Deglingos 3max. Si les joueurs ont été prompts à reprocher la formule à Winamax (beaucoup moins lors des sorties des copies d’iPoker ou Pokerstars ces dernières semaines alors que ces dernières n’offraient même pas la compensation d’un rake en SnG « normal » revu à la baisse), ils l’ont été tout autant pour venir enrichir la room de 8.000€ de rake. Pourtant, avec des prix d’entrée de 20 à 50€, il est fort probable qu’une majorité des joueurs ne soit pas la population qui remplit les tables d'Expresso habituellement. 

Le marathon
Avec 17 heures et 14 minutes de jeu réparties sur deux soirées, l’Event 26 a gagné la palme du tournoi le plus long de ces Winamax Series X, plus long que le Million Event (16 heures et 45 minutes) qui s'est lui disputé sur trois soirées ! Qui pourrait le croire, mais un bug informatique complètement inédit est survenu (Blocage des blindes au 22e niveau qui ont arrêté de monter).
Bug inédit dans sa forme bien entendu. Car que serait une petite Series Winamax sans son bug ? Décidément les tables finales amènent leur lot de commentaires  lors des Winamax Series.

Cosette a de l'overlay


C'est indéniable, l'opérateur a pris des risques à l’occasion de cette dixième édition avec plusieurs tournois aux dotations dopées. Mais il a surtout ajouté sept nouveaux events comparé à l’édition précédente (250K€ de garanties trouvés sur ce seul "artifice"). En augmentant à chaque édition la dotation garantie, on s’expose forcément à des risques d’overlay et la version X a fait preuve d'ambition. A votre bon coeur messieurs, dames ... Cette dixième mouture de l’événement n'a pas échappé à une petite cagoule de 56 653 euros, à laquelle il faut ajouter la distribution de 60K€ en tickets Million Events.
Ne vous inquitez pas pour le responsable de la programmation des tournois et sa prime de résultats. Il sabrait néanmoins le champagne avec toute l’équipe Winamax. Un chiffre d’affaires de 490K€, pour un résultat (hors tickets Million et taxes) estimé à 300.000€. Même en retirant le manque à gagner des tournois en sommeil (Fièvre, Derby, Eldorado, certains Highroller) sur la période, environ 30K€, les temps sont durs, mais pas trop !
La fréquence trimestrielle n’est pas un hasard. Dans la vie de la plupart des entreprises, les analyses budgétaires se font sur ces périodes de trois mois. Winamax Series et Million Events ne sont plus des opportunités, mais une obligation pour tenir les objectifs. Voire pour tenir … l’historique, vu la tendance actuelle du marché.

Des Series tous les mois, durant 15 jours, elle est là la survie du .fr ... de Winamax.
                                                                       
soxav

jeudi 4 septembre 2014

MTT : SERIAL KILLER ?

Le marché du poker n’a que peu d’indicateurs au vert. Alors quand il en est un qui semble aller moins mal, tout le monde s’en empare. Invité de BFM Business fin juin pour sa première sortie télévisuelle 2014, le fraîchement nommé président de l’ARJEL, Charles Coppolani, n’a pas manqué l’occasion. Clairement peu à l’aise sur le plateau, il nous a gratifié d'un « On peut travailler sur les tournois notamment, qui attirent les joueurs. Et c’est quelque chose qui serait assez intéressant. » Il faut dire que quelques jours plus tard, il annonçait les chiffres du deuxième trimestre. La progression des tournois de 6%, qui vient confirmer un +9% au premier trimestre, y est la seule bonne nouvelle face à la baisse chronique du Cash Game depuis trois ans.

Quand il parle de travailler sur les tournois, M. Coppolani démontre qu’il est visionnaire… Pour preuve, sa prestation télévisuelle de grand standing a lieu quelques jours après les Summer Shots de Winamax, les mini FPC de PMU / Party Poker, en plein Kart Series d’Everest Poker, et à quelques jours des Micro Series de Pokerstars. L’Arjel peut dormir sur ses deux oreilles : les opérateurs n’ont pas attendu sa nomination pour travailler leur « intéressant » business tournoi !
Lors du lancement du marché cloisonné en 2010, Pokerstars et Winamax ont acheté 75% de parts de marché en budgets publicitaires et bonus divers, les joueurs raillaient un fisc qui ne pourrait jamais les atteindre et le Cash Game était en mode Cash machine. Partie finalement limitée de l’offre, les tournois reposaient sur les grilles de MTT réguliers. C’est Pokerstars qui a montré la voie avec le FCOOP (French Championship Of Online Poker) en Octobre 2010, puis le SCOOP (Spring Championship of Online Poker) fin mars 2011. Le grand rival Winamax se lançait en Mai 2011 avec ses Series  éponymes, dont le succès ne se dément pas aujourd’hui encore. Opérateur confidentiel, PKR faisait également partie des précurseurs.

Depuis, ces événements ont été démultipliés par ces opérateurs, et copiés par les plateformes et rooms challengers (French Poker Championship, Summer Shots, Poker Master Festival, Barrière poker Series, PMU Series, Unibet Super Series, Micro Series, Spring Series…), agrémentés de variantes diverses (Omaha Series de Pokerstars, Trilogy Winamax, Soldes d’iPoker, Mini FPC, …) et même en mode Freeroll Series. Les grilles des opérateurs ont également été optimisées entre nombre de tournois, variantes, prizepools garantis. Le segment tournoi est ainsi passé de 549M€ de mises sur le premier semestre 2011 à 770M€ (source Arjel) sur la même période cette année. Une progression de 40% pour un marché en dépression où de moins en moins de comptes sont actifs.

Pourtant, M. Coppolani ne devrait pas se réjouir trop vite. Cette belle progression s’est d’abord essentiellement effectuée en 2011/2012 (+25%). En 2013, le soufflé était complètement retombé (+0.5% au premier semestre et 4,5% sur l’année complète), avant de se relancer légèrement (+8.5% sur les deux premiers trimestres) cette année. Ce ralentissement est d’autant plus inquiétant que dans le même temps le recours aux « Series » est devenu plus que systématique. On décomptait ainsi cinq opérations de ce type en 2011, douze en 2012, et dix-sept en 2013, toutes rooms confondues. Chiffre presque égalé sur les seuls six premiers mois de cette année (13).
Les opérateurs se livrent un véritable combat de chiffres et d’image dans lequel il n’est pas question de laisser son concurrent direct occuper l’espace. Du côté des « petits », le match se joue entre les plateformes Party et iPoker. Quand PMU annonce ses PMU Series IV en février, il ne faut que quelques jours à iPoker pour dégainer ses Winter Sales sur la même période. Des Minis FPC chez PMU et Party début juin ? Des Kart Series chez Everest Poker dans la foulée. Chez les leaders du marché, le marquage est là aussi à la culotte : les Summer Shots de Winamax ont vu le jour en 2013 quelques jours après l’annonce des Micro Series de Pokerstars. Dans quelques jours, auront lieu leurs Million Events de rentrée, comme par hasard sur le même weekend. Si cela profite aux joueurs qui se voient ainsi proposer des tournois aux garanties alléchantes, cela permet de verrouiller la présence d’un maximum de joueurs et des regs étrangers qui ne viennent qu’à ces occasions jouer sur le marché hexagonal.


La fréquentation de ces tournois plafonnant, la croissance sur ces opérations commerciales passe principalement par toujours plus d’Events. Lors des SCOOP 2014, le field par Event était en moyenne de 3116 joueurs (48 tournois), en recul de plus de 10% sur l’année précédente. Des Events classiques comme le 10€ 1R/1A (passé sur deux jours) ou le premier 100€ de la série ont vu leur field fondre de 10%, tandis que les tournois PLO 6max et HU dévissaient de 15%. Même son de cloche à la concurrence lors des dernières Winamax Series en PLO 10€ Rebuy 6-max, garantie dopée de 25% mais field en recul de 9%. Le 6-max 20€ initial enregistrait 4% de joueurs en plus sur la ligne de départ alors que la garantie a bondi de 25%, tout comme l’Event Flight 10€ sur la semaine (Garantie +17%, Field +3%). D’une année sur l’autre, la fréquentation par Event des WS IX affichait une hausse de seulement 2%.
Afin de contrer cela, de 2011 à 2014, Pokerstars a augmenté le nombre de tournois de ses SCOOP et FCOOP de 50%, et ainsi afficher des garanties de plus de 4 millions d’euros (2,5M€ et 1,5M€ respectivement pour les premières éditions). Encore plus actif, Winamax propose désormais trois Series par an (une quatrième en fin d’année ?). Les 76 Events (six millions d’euros garantis) de la Xe édition en Septembre n’ont plus rien à voir avec la 'Series' inaugurale de mai 2011 où 24 Events garantissaient  1 million d’euros. Trois fois plus d’events, six fois plus de garantis et un Main Event six fois mieux doté. Pour cela, ils recourent à plusieurs artifices : des centaines de tickets offerts via des freerolls reload, intégration de tickets dans les plus gros gains de leurs tournois réguliers en tickets d’entrée pour leurs Main Event plus d’un mois avant le fameux tournoi (12 Août sur tous les gains supérieurs à 1500€ des principaux MTT de la grille classique, Juillet pour le Sunday Million de Pokerstars via les Sunday Warmup, Minuit Express, Classico, …). Party Poker s’apprête à lancer ses FPC, avancés au 27 Septembre avec un nombre de tournois revu fortement à la hausse. Cette 'Series', traditionnellement en décembre, occupe la case de rentrée des PMU Series victime d’une édition catastrophique en mars avec plus de 20K d’overlay et laisse imaginer un créneau pour de nouveaux Mini FPC par exemple avant la fin de l’année.

L’avantage  de ces événements est double : générer un boost de chiffre d’affaires pour l’opérateur et  s’adresser à toutes les clientèles des rooms. Les joueurs occasionnels, récréatifs, réguliers, semi-pros, pros, … Tous y trouvent leur intérêt : l’adrénaline du gros tournoi, des structures attractives, l’edge éventuel sur le reste des participants, le petit logo aux tables. Avec, pour tous, en réalité le même mécanisme : le rêve du « one time », ce gros coup pour un investissement limité, surtout sur les tournois à un million d'euros garantis, où le vainqueur encaisse plus de 150.000€.

Le ROI de tels tournois est indiscutable pour les joueurs réguliers, mais un problème de taille se pose : ils siphonnent la liquidité globale du marché. En un weekend de janvier ou d’avril, environ 1,2M€ ont disparu dans les poches d’une poignée de joueurs sur les Events à un million de Winamax et Pokerstars. Pire, sur chaque tournoi d'une 'Series', 50% du prizepool est réparti sur les sept premiers joueurs, et près de 25% sur les deux premiers. Sur une ‘Series’ à six millions d’euros Garantis, imaginez la liquidité qui disparaît en quelques jours. Si cet aspect n’a pas de sens pour un occasionnel ou un récréatif, il devrait pourtant interpeller les regs. Pour organiser son Event Flight 10€, Winamax supprime la Fièvre de sa grille, le tournoi « rentrant en concurrence avec de trop nombreux tournois à la même heure et au même BI », d’après guignol sur Clubpoker. Et voilà comment on crée un MTT 10€ avec une garantie de 175.000€ et 20762 participants en remplacement de 7 MTT réguliers. Mais la semaine précédente, ces sept 'Fièvre' représentaient 176.000€ Gtd / 24428 joueurs, et la semaine suivante 190.000€ Gtd/ 2278 joueurs. Soit sept fois 12.5K€ partagés entre cinq joueurs plutôt qu’une fois 73K€ partagés entre quatre. Dans le premier cas, ils seront très souvent réinvestis alors que dans le second avec des gains individuels supérieurs à 10K€, il est fort probable qu’une majeure partie disparaisse. Ne serait-il pas plus judicieux d’envisager un Event WS à 100K€ Gtd en maintenant la Fièvre ?
Les rooms tentent également de limiter la perte de liquidité en proposant des bonus « redeposit ». A raison de 200€ de dépôt moyen trimestriel (source Arjel 2013), il faut trouver 15000 déposants pour reconstituer la perte. Hors regs, bien entendu, dont le dépôt est temporaire, et  cashout dès que le bonus est clear. Avec son bonus « Jackpot », mis en place lors des Summer Shots, Winamax a ainsi limité l’effet d’aubaine pour ces joueurs.

Contrairement à la légende urbaine, les vainqueurs de grosses sommes ne se précipitent pas dans la foulée pour spew leur gain en NL1000. La plupart ne change même pas leur mode de jeu : Depuis leurs victoires en avril, Loboter (Vainqueur Million Event SCOOP) affiche un buyin moyen de 75€ inchangé tandis que ROM7025 (Vainqueur Million Event Winamax Series IX) a participé à près de 300 tournois pour un Buyin moyen de … dix-sept euros (seize euros avant son succès). Un joueur sur le podium de ce même tournoi reconnaît avoir retiré 98% de ses gains. A part un très rare Highroller, ses sessions sont restées les mêmes. Et que dire quand c’est un reg étranger venu spécialement pour ces tournois …

Evolution trimestrielle des mises CG et Tournois (source ARJEL)
et Series / Million Events depuis 2010.

Au final le risk reward n’est pas forcément en faveur du reg dont l’objectif est de tirer un profit sur son talent par rapport à ses adversaires, donc sur un volume de jeu important, pour contrer la variance. Ces trous d’air se ressentent forcément sur la liquidité : prizepools des tournois réguliers en baisse, garanties des MTT classiques frileuses. Moins d’argent dans la liquidité, moins d’argent joué. Même s’il est difficile de prouver un rapport direct et que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, comment ne pas noter les tendances opposées entre courbes de fréquentation Cash Game et développement de ces tournois depuis le lancement du marché régulé ?

Début septembre, à l’occasion de l’overlay massif du Seminole Hard Rock Poker Open, SuperCaddy s’interrogeait sur Clubpoker de « la pertinence de la course effrénée que se mènent les organisateurs de tournois pour proposer des dotations garanties de plus en plus importantes, souvent à grand renfort de jours 1 et de re-entries » . C’est vraisemblablement encore plus vrai online, les rooms en ayant besoin pour générer une croissance de chiffres d’affaires, amplifiant toujours un peu plus la fuite en avant ... mais jusqu'à quand ? Les joueurs ne devraient-ils pas préserver le marché en participant massivement aux 'Series' de toutes les rooms, en exigeant la restriction aux seul joueurs français, en militant pour une limitation des gains et des prizepools ?


soxav


                                                                                                                                                                                       


dimanche 29 juin 2014

PETITS ARRANGEMENTS ENTRE AMIS

Dans quelques jours, l’ARJEL va sortir de sa torpeur estivale pour nous annoncer les chiffres du deuxième trimestre  du marché des jeux en ligne. Voici ce qu’il faudra en retenir : Baisse des mises en Cash Game, non compensée par la bonne tenue des tournois et un nombre de joueurs actifs encore en baisse. Face à cette tendance de fond, les acteurs du marché tentent de s'adapter comme ils peuvent, et tant pis si le fair play et la tranparence ne sont pas au rendez-vous. 
Pendant ce temps chez Pokerstars, on ne badine pas avec le rouge qui pique. En en ayant probablement trop abusé, Dale « Daleroxxu » Philip l’a appris à ses dépens. Trop démonstratif lors de la retransmission d’Espagne-Pays Bas en marge d’un tournoi à Marbella, Pokerstars l’a licencié dès le lendemain pour des gestes déplacés envers les spectateurs espagnols. L’exemplarité envers le client est une valeur primordiale dans le milieu sulfureux du poker. Enfin, ... un peu.

En novembre dernier, MyPok fermait ses portes sur le réseau Partouche  pour rejoindre le réseau iPoker. La notion de rapidité étant toute relative, il faudra attendre plus de cinq mois pour que le retour soit effectif. C’est surtout la gestion des comptes joueurs et de leur bankroll qui pose question : après avoir annoncé une réouverture au 01 Janvier, la room a cessé de communiquer. Les joueurs en attente de leurs fonds n’obtenaient au mieux que des réponses du genre « transmission au service concerné ». Dans le cadre des discussions avec Joaonline, fallait-il rendre la mariée la plus belle possible avec joueurs et comptes approvisionnés ? Cela serait une nouvelle forme de fidélisation clients : le blocage de fonds.
Depuis plusieurs semaines, ce sont les joueurs d’Europoker qui se heurtent à des difficultés. La plupart des joueurs effectuant des retraits ont dû attendre de longues semaines, sans communication claire de la room. Pourtant, la room avait avancé sur  Poker Académie des arguments de process qui, même s'ils laissent sceptique, pourrait s’entendre : le système de fiduciaire qu’elle serait une des seules à avoir mis en place, le process interne de gestion de la plateforme entre les rolls Bwin et EP. Mais alors, pourquoi ne pas afficher ces éléments pour expliquer aux joueurs de Clubpoker que le blocage vient du système justement mis en place pour assurer les fonds ?  Pourquoi un forum majeur n'exige-t-il pas d'avoir a minima les mêmes infos que d'autres, bien plus petits, obtiennent ?

Dans cette quête du respect du joueur-client, on peut se féliciter des belles promotions imaginées par les équipes marketing : exit les bonus de premier dépôt, place aux Bonus Cash. Toutes les solutions sont bonnes pour doper le montant offert avec des clauses parfois savoureuses.
Début 2012 déjà, Turbopoker plaçait la barre haute en proposant 50€ sans dépôt : crédités en quatre étapes, email à  envoyer avec code spécial dans un délai d’un mois et cerise sur le gâteau, 15€ en cash au final pour 35 Token de 1€ … Plus près de nous, début juin 2014, Everest Poker a activé une promotion similaire, Freemoney, en remplaçant les tokens par 35€ ... de bonus à débloquer en trois mois (ainsi que 10€ en cash + un ticket 5€). Avec cette idée novatrice, la room a jugé préférable de limiter l’accès sur une seule semaine aux 2000 premiers inscrits … qui n’auraient pas vu que le bonus 1er dépôt était également disponible, jusqu'à 500€, lui. Le principal était surtout d’occuper le terrain face au lancement des Mini FPC de Party et PMU Poker. D'ailleurs, l'analyse de la fréquentation du Freeroll 1000€ "nouveaux déposants" en mai/juin est sans équivoque : sur les quatre événements organisés en juin, moins de 300 joueurs supplémentaires par rapport au mois de mai !

Cette formule était déjà utilisée quelques mois auparavant par Europoker, qui a copié/collé sur ClubPoker fin avril une offre proposée trois mois plus tôt aux Poker Académiciens (10€+5€+35€ de bonus à clear). Dans les deux cas, le process mis en place a rapidement donné lieu à des critiques. Si les administrateurs de PA ont mis du cœur à défendre le deal (« field le plus faible du .fr », « offre aussi attractive que Winamax »), ils sont restés présents tout au long de l’opération. Sur Clubpoker, où les 15€ se seraient finalement transformés au final en tickets (dont des satellite … rebuy), les membres n’ont pas eu cette chance : pas une seule intervention d’un modérateur, pas trace d’un administrateur sur le thread dédié pour aider et rassurer les joueurs en galère. Pas de doute, les clients des affiliateurs, ce sont les rooms … Europoker a été dernièrement très active en bannière et habillage de Home Page pour ses Maxi Lundi et autres tournois qualifiers pour les étapes du BPT.
Turbopoker  s’est même permis avec un autre partenaire (la page n'est plus accessible) de proposer cette offre de bonus sans dépôt en y intégrant deux tickets pour des freerolls en leur donnant une valeur faciale "estimée". Magique ! Et communiqué par l’affiliateur, il n’y a pas de petits profits. Pourtant quand une room veut être innovante et monter des opérations originales pour séduire le joueur récréatif, elle y arrive.

Extrait des "Modalités" de participation des MPS chez Turbopoker et des EPT chez Pokerstars
Les rooms font en revanche peu de cas de l'image de leurs clients. Les « Termes et Conditions » des tournois qualificatifs pour des événements live, toujours cachées dans les recoins méconnus des sites, sont franchement discutables. Aucune room ne se prive : en participant à un "qualifier live", que le joueur paie de sa poche, sur lequel l’opérateur prélève normalement son rake, le joueur s'engage à porter les couleurs de la room sans aucune contrepartie, à accorder  à la room le droit d’utiliser son nom et son image à des fins promotionnelles et sans autre compensation. Certaines exigent même qu'il assure la promotion de la room, ou agisse en tant que porte-parole (entretiens avec la presse, participations à d'autres tournois) . Bientôt, il faudra ouvrir un blog à la gloire de votre room préférée parce que vous avez fait ITM d’un tournoi à 10€ ! Et pourtant, quand des joueurs qualifiés online pour le Winamax Poker Tour, exigent de connaître les modalités de ces obligations, on leur oppose maladroitement les « devoirs du qualifié », qui ne concernent que les qualifiés ... via les freerolls live. Il faut noter que la room a finalement mis en place un système de contrepartie en miles pour les joueurs arborant le W rouge pendant l’épreuve. D'’autres opérateurs avancent, eux, les Mentions légales ... des concurrents. "Pokerstars le fait, alors on le fait." Malheureusement, comme les joueurs pensent que c’est normal et qu’on ne peut rien y faire, ce n'est pas prêt de changer. 

Il faut dire que dès qu'il s'agit de Pokerstars, le joueur de poker d'habitude pourtant prompt à la critique, devient très souvent fanboy. Ainsi sur les forums, il n’est pas rare de trouver des gros réguliers justifiant par exemple l’augmentation du rake fin 2011 par le coût du système de fidélité rouge pique. Quid de la mise en place de ce changement fin décembre sans aucune communication ? L’acquisition et la fidélisation à outrance de milliers de clients pendant les 18 mois précédents ? Le rake toujours plus cher que le concurrent direct qui, lui, ne s’est pas exilé fiscalement, et paye TVA et autres impôts ?  Cela ne semble pas entrer en ligne de compte. Impassibles, comme des spectateurs espagnols face un joueur PS qui fait la danse du but néerlandais.

A tel point que la room ne se refuse désormais plus rien : à l’occasion du lancement de ses tournois Flights en mai, les Day 1 prévus ne suffisant pas à couvrir la garantie, la room a rajouté en douce un Jour 1 supplémentaire en plein milieu d’après-midi, alors que le lobby du Day 2 présentait déjà le nombre de joueurs qualifiés, ITM et l’échelle de gains complète. Aucune communication sur les forums pour informer les joueurs alors que, contacté, le service client affirme que « ceci a été décidé pour donner plus de chance aux joueurs de se qualifier pour le Flight 2 ». L’overlay de 50K€ n’a bien sûr pas été un critère dans ce choix. En insistant un peu, la room assénait alors son argument ultime et définitif : ses conditions générales d’utilisation. « PokerStars.fr se réserve le droit de changer les paramètres de chaque tournoi à tout moment sans préavis. » On peut comprendre le problème d’un tel overlay pour la room, mais cela amène bon nombre de questions :

  • L’équité envers les joueurs déjà inscrits et qualifiés pour le Day 2,
  • Les modalités de l’événement sur un nombre de jours définis : combien de joueurs ont participé en ayant flairé la bonne affaire d’un ratio prizepool/field très favorable ? Encore plus sur le dernier Day 1 (le dimanche soir, baptisé pour l’occasion par la room « Last Chance ») où ils sont très nombreux à s’être inscrits en vue d’un overlay massif et ne l'aurait peut-être pas fait avec un dernier Day 1 à jouer le lendemain.
  • L’absence totale de communication : la room a tellement pensé à donner plus de chance à ses joueurs qu’elle en a oublié de communiquer : pas de mails, de newsletters dans nos messageries, pas le moindre message sur les communautés françaises. Seuls quelques CPistes ont eu la chance de l’apprendre grâce à la perspicacité d’un membre du forum, sans que le moindre modérateur ne pointe le bout de son nez.
  • La généralisation du système : Winamax a tenté de relancer son Main Event en adoptant une formule Flight sur sept jours. Le succès n'est pas a rendez-vous puisque le prizepool est repassé d'abord à 150K, puis 100K comme avant. Mais la room s'est acquittée des 65.000€ d'overlay sans chercher d'artifices. Pourquoi ne ferait-elle désormais pas pareil ?

En soi, rien de bien grave, une room n'a pas vocation à perdre de l'argent. Mais qu’est-ce qui empêche désormais la room de proposer des prizepools pharaoniques pour assommer la concurrence en prévoyant  une semaine entre les Day 1 et 2 pour rajouter autant de Day1 qu’il n’en faut ? Plus simplement, pourquoi ne pas envoyer un représentant au micro pour annoncer que le prizepool garanti n’était en fait pas garanti, en effaçant maladroitement les traces sur internet ? Oh wait …
Si la tradition écossaise selon Dale Philip consiste en des gestes proches du bras d’honneur qui n’en sont pas, l’Ile de Man semble avoir été annexé par une armée en kilt. A suivre fin juillet avec les Events Re-entry des Micro Series.


La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est l’intérêt immédiat de l’Arjel qui, une fois contactée, a immédiatement réclamé « davantage de précisions et notamment une copie d’écran des conditions générales de l’offre ». Une belle occasion de voir le poids de cette chère Autorité : la réponse est tombée le 15 Juin avec un Summer Special 100K€ en mode Flight. En raison d’un overlay de 8K€, un troisième Day 1 a vu le jour à la dernière minute. Relancée à de multiples reprises, l’ARJEL n’a plus jamais répondu. Comme l'a annoncé son Président, "Nous discutons avec les opérateurs" pour trouver des solutions au déclin du poker. Monsieur le Président, ne serait-il pas temps de discuter avec les joueurs ? Et pendant que M. Coppolani, les rooms agissent.
Que penser également du silence total sur le sujet en mai puis à la mi-juin sur les forums ? L’opération Missions Spéciales, parmi lesquelles figuraient ce Summer Special, a été relayée par tous les affiliateurs de Pokerstars : de Clubpoker à Pokerdream, de Rue des Joueurs à Poker Académie ou de Pokerstrategy à Pokerlistings. Même Poker52 nous gratifiait de l’infomercial. Pourtant, aucun d’entre eux ne s’est fait l’écho de ce nouveau mode de MTT mis en place par un opérateur leader, dont l’affiliation et les budgets publicitaires font vivre une bonne partie du microcosme.

Pokerstars ne plaisante pas avec son image et les valeurs que l'opérateur souhaite véhiculer. Dale Philip vient d'en faire les frais. Mais la room gagnerait à balayer un peu devant sa porte . Et comme l'adage du marché français est désormais "Si Pokerstars le fait, ils devraient tous le faire", l'image et le respect envers les joueurs (du récréatif au reg) ne s'en porterait pas plus mal, non ?


soxav

lundi 5 mai 2014

POKER.EU : LA FAUSSE BONNE IDEE ?

Ces derniers jours, le microcosme poker s’est à nouveau enflammé sur son marronnier : le marché .eu, l’oasis du joueur au milieu du désert que devient le poker français tous les jours un peu plus. Alors que L’ARJEL annonce la désormais traditionnelle baisse trimestrielle du trafic, les appels à l’ouverture de la liquidité avec l’Italie et l’Espagne fleurissent à nouveau. Cette ouverture, synonyme de résurrection et de réponse à tous les maux du poker hexagonal, est-elle vraiment l’eldorado plébiscité au gré des forums ?

Avant même que l’analyse du premier trimestre 2014 ne tombe il y a quelques jours, le constat dressé par l’ARJEL en 2013 sonnait déjà presque comme une marche funèbre. Le résumé de l’Autorité dans son rapport début 2013 multipliait les alertes : diminution des mises de Cash Game de 18% sur l’année avec quatre trimestres de baisse consécutifs, chiffre d’affaires des opérateurs en recul de 13%, nombre de comptes actifs en moyenne par semaine qui dévisse de 11%, … Et ce n’est pas le soubresaut du segment Tournoi qui peut redonner espoir. Face à cette déprime, Jean-François Vilotte, président démissionnaire de l’ARJEL, officieusement pour divergences d’opinion, trouvait alors un écho auprès des joueurs avec l’argument ultime.
« L'ARJEL s'est prononcée en faveur d'un changement d'assiette de la taxe et aussi beaucoup, prioritairement, en faveur de l'ouverture des liquidités. », annonçait-il dans une interview à Clubpoker en Octobre 2013. 
Il faut cumuler les liquidités des marchés régulés pour redynamiser le marché du poker, en  regroupant les joueurs espagnols, italiens et français pour commencer, et tous ceux qui voudront ensuite. Les regs espèrent ainsi retrouver de l’action aux tables de SnG et Cash Game grâce à l’arrivée des joueurs récréatifs étrangers à leurs tables. En MTT, comment ne pas rêver de tournois à 10.000, peut-être 20.000 joueurs et des prizepools pharaoniques qui s’ensuivraient ?

Le problème ? La fiscalité française. Le législateur en 2010 a opté pour un prélèvement sur les mises plutôt que sur le Produit Brut des Jeux, à savoir le chiffre d’affaires des opérateurs. Cette spécificité rend de fait un rapprochement impossible puisqu’en préambule à un partage de liquidités, il faut évidemment une harmonisation fiscale. La majorité socialiste, déjà peu favorable aux jeux en ligne avant l’ouverture, vient de refuser toute modification lors de la proposition d’amendement n°262 de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 le 16 Décembre à l’Assemblée Nationale. Le rapporteur Razzy Hammadi et le ministre Benoît Hamon ont invoqué des arguments ineptes : le poker serait un "ogre" qui aurait besoin de toujours plus de clients pour le premier, enfonçant ainsi une évidence économique, la dimension internationale faciliterait la fraude pour le second, preuve qu’il ne connait pas vraiment le marché actuel.

Tout est question de chiffres pour le gouvernement. Toujours selon l’ARJEL, « en 2013, les jeux en ligne régulés devraient générer près de 325 millions d’euros de recettes fiscales (hors TVA) », dont seulement 25% proviendraient du poker. Cela représenterait un revenu de 86 millions d’euros, moitié moins que les paris hippiques. Et surtout une goutte d’eau face aux trois … milliards que rapporte à elle seule la Française des Jeux chaque année aux caisses de l’état,  et face aux dizaines de milliards d’euros que le gouvernement annonce vouloir économiser. Comment imaginer dans ces conditions qu’un gouvernement prenne plus de seize minutes pour envisager de baisser son prélèvement  ? D'autre part, le marché du poker est le moins rémunérateur en Taxe sur la Valeur Ajoutée : fin 2012, l’ARJEL indiquait ainsi que la TVA perçue par les services fiscaux de l'Etat ne représentait que 5.53% du Produit Brut des Jeux pour le poker, contre près de 14% pour les paris hippiques. Chiffre qui ne devrait pas s’arranger avec la fermeture de Barrière Poker, un des rares opérateurs fiscalement basé en France, et qui était donc soumis à la TVA nationale.
Quand bien même les opérateurs ou les joueurs parviendraient à démontrer que ce marché ouvert augmenterait les recettes, les millions d’euros en jeu qui nous semblent tellement évidents et primordiaux, n’en serait finalement que dérisoire à l’échelle de l’état. Pour sa première sortie dans une interview auxEchos le 16 Avril, Charles Coppolani, nouveau président de l’ARJEL, n’aborde même pas le sujet, comme le décrypte fort justement MisterVolty sur Pokerstrategy. 
Sa priorité ? La protection des joueurs, la recherche autour du jeu et surtout la lutte contre l’illégalité. On est très loin du poker et de ses problématiques. Et avec qui M. Coppolani  annonce vouloir « travailler main dans la main » ? La Française des Jeux bien sûr ! La boucle est bouclée …

Du côté des opérateurs, l’intérêt de cette ouverture semble également indiscutable. Le Directeur Marketing de Pokerstars, BenjaminSorge, établissait dès 2011 l’ouverture des tournois aux pays licenciés comme socle de l’avenir du poker hexagonal.  Plusieurs plateformes de la scène internationale se sont d’ailleurs positionnées dans chaque pays régulant son marché des jeux, répondant à des exigences quelquefois douloureuses. La Belgique n’a ouvert son accès qu’aux opérateurs en dur, Pokerstars a donc du s'associer avec le casinotier Circus Groupe. En Espagne, Bwin a dû débourser 33 millions d’euros pour prétendre à la licence, l'état ayant réclamé au dernier moment plusieurs années d’arriérés d’impôts. En terme de trafic, cela donnerait plus de tables ouvertes en Cash Game, des SnG se remplissant plus rapidement et des tournois à field plus important, donc à prizepools plus attractifs.

Source : Moyenne hebdomadaire de joueurs
Pokerscout26/04/2014
(Bwin comptabilisé sur Ongame pour la France et l'Italie)

En tout cas sur le papier, car si l’on détaille la structure des marchés européens régulés, le destin des opérateurs et plateformes pourrait fortement diverger dans un marché .eu. Pokerstars règne en maître absolu sur le Vieux Continent : en moyenne hebdomadaire Cash Game sur les quatre derniers mois, Pokerscout gratifie le leader mondial de 30% de parts de marché en France, 50% en Italie et 70% en Espagne. Un marché regroupé sur ces trois pays lui assurerait donc de facto une part de marché (PDM) en Cash Game de 50%, et on peut estimer au vu de ses tournois phares dans les trois pays que son poids sur l’offre MTT est encore plus fort. En outre, sa PDM serait mécaniquement amplifiée par cette hégémonie, car le nombre de tables disponibles et de joueurs récréatifs la rendrait encore plus incontournable. Au niveau des tournois, cela permettrait à Pokerstars d’assurer des tournois avec des garanties sans aucune mesure par rapport à la concurrence : Le Sunday Special propose chaque semaine 150K€ en .fr, 200K€ en .it et 50K€ en .es. Le nombre appelant le nombre, la room de pique pourrait sans problème afficher une garantie cumulée de 400K€, voire 500K€ chaque semaine ! En Cash Game, l’addition des tables doperait le nombre de joueurs à près de 5.000 joueurs en moyenne hebdomadaire*. Le rêve pour la room qui piétine à 1.200 joueurs actuellement en France, alors qu’elle outplay le marché hispanique de manière indécente. 

Pour les plateformes internationales présentes dans tous les pays régulés comme iPoker, 4e en France et en Italie, une liquidité commune présenterait les mêmes avantages que pour Pokerstars, à la seule différence que la plateforme atteindrait péniblement les 1.000 joueurs hebdomadaires*. Du côté de Party Poker, si le partenariat avec PMU en France permet à la plateforme d'occuper une bonne troisième place, alors que la room en propre, Party Poker, ne compte pas dans le paysage poker italien où elle occupe la dernière place avec … deux joueurs CG hebdomadaire*. En Espagne, où Bwin a déjà intégré les tables du logiciel Party Gaming, la plateforme ne parvient qu’à faire jeu égal avec iPoker (short stack avec seulement 85 joueurs hebdomadaires en CG*). Avec le renfort de Bwin.it, l’entreprise pourrait peut-être retrouver un peu de couleurs, néanmoins très loin derrière PS avec une liquidité globale 70% moins importante.
Problématique majeure pour ces plateformes, elles sont avant tout une somme de rooms. Si la stratégie officielle est commune, dans la réalité les divergences sont bien présentes. Rien qu’en France, les joueurs étrangers qui ne seraient pas les bienvenus sur la plateforme pour certains, sont pourtant acceptés par Turbopoker. Quand Mypok s’offre à joaonline, elle affiche une promotion ‘Double Banzaï’ doublant le gain éventuel d’un joueur s’il a participé via la room. Pas sûr que cela déclenche un afflux massif de nouveaux joueurs ou un exode de clients des plateformes  concurrentes, surtout avec une communication minimaliste. En revanche Betclic, Everest, Turbopoker  ou Unibet doivent apprécier de partager leurs gros regs pour qui l’effet d’aubaine est trop beau.
Alors, on imagine déjà les discussions à l’échelle européenne entre les rooms de chaque réseau, et surtout les dysfonctionnements et divergences stratégiques s’ils étaient vingt autour de la table…

Pour les autres opérateurs la situation serait encore plus compliquée. Parmi les « micro » opérateurs, PKR continuerait à vivoter avec ses 70 joueurs français hebdomadaires sans grand espoir en Italie où il est présent avec … six joueurs en moyenne par semaine. La plateforme Microgaming, ne tourne pas en Espagne (elle vient d'ailleurs de disparaître début avril du tracking de Pokerscout) et a abandonné la France à l’été 2012. Challengeur de PS de l’autre côté des Alpes, les rooms de PeoplesNetwork retomberaient dans les profondeurs des sites ne comptant pas dans une liquidité partagée. Dans une situation similaire, on retrouve Ongame, absente du marché espagnol et bien placée en Italie. Dans l’Hexagone, son avenir semble compliqué : le maintien de Bwin est paradoxalement un frein, la room ne cherchant pas à investir ou prendre des risques sur un logiciel qu’elle va quitter pour rejoindre celui de Party, et en cas de départ de cette dernière, Europoker serait alors son unique représentant. Malgré le volontarisme de cette dernière, Ongame / Active Games aura du mal à atteindre un poids critique. En Espagne, plusieurs rooms utilisent la plateforme suédoise  Boss Media / International, Poker Heaven en fer de lance. L’avenir serait encore plus sombre puisqu’aucun relais n’existerait en France ou en Italie, Intenational.it ayant disparu.  Quel avenir avec seulement 28 joueurs hebdomadaires* ? Les joueurs français iraient-ils jouer au poker sur vivepoker.es, les italiens sur TuVictoria.es ?

Dans le cas d’un simple partage de liquidités, sans accès par les joueurs d’un pays aux sites des autres pays, cela signifie la mort encore plus certaine de petites rooms sur des plateformes « mono-pays ». En effet, lorsqu’on parle de partage de liquidités, parle-t-on d’un marché à trois pays où les joueurs sont libres de choisir leur room ou d’un marché où les liquidités de chaque plateforme sont mises en commun ? La différence est de taille : dans le premier cas, une entreprise nationale avec une plateforme propre n’aurait aucune liquidité étrangère avec qui partager la sienne, alors que dans l’autre cas, elle pourrait tenter de se lancer dans les autres pays. Vous voyez à qui il est fait allusion ?

« lo mas importante al poker no son las cartas es lo que haces con ellas ! »

Winamax. Seul opérateur à avoir déjoué les plans du leader mondial, la room est créditée d’une part de marché d’environ 40% en France. Elle ne pèserait plus que 15% d'un marché élargi, et se retrouverait au coude-à-coude avec iPoker et Bwin Party mais cantonnée à son seul marché domestique pour augmenter son portefeuille client. La distorsion de concurrence serait flagrante et fortement nuisible au développement de la room, voire seulement à son maintien. En cas d’ouverture aux joueurs, il est également difficile d’imaginer la room dupliquer la stratégie gagnante .fr de juin 2010 en Italie ou en Espagne.
·         Investir massivement : les marchés italiens et espagnols ne sont plus en phase de décollage, au contraire, le prix de conquête des parts de marché sera beaucoup trop cher. Tout comme la solution du "dumping" comme dans les premiers temps du .fr, alors que la période est plus à la rentabilité.
·         Bâtir son image grâce à une des personnalités préférées des Français : l’hypothèse d’un "Patricio Bruelos" déclamant, épée en plastique à la main, le slogan qui a fait la renommée de l'opérateur, ne semble pas garant d’un franc succès chez nos voisins étrangers.
·         Stratégie communautaire : Winamax ne pourrait s’appuyer sur sa vitrine maison en version italienne et espagnole, comme elle l’avait fait avec Wampoker plusieurs années avant l’ouverture. Quant aux forums locaux majeurs, elle n’a pas de partenariat fort à l’étranger (Edukapoker en Espagne par exemple), et ne partage pas le modèle économique de l'affiliateur international PokerStrategy.

La room n'affiche d’ailleurs pas un farouche militantisme de ce marché européen, à l'inverse de son concurrent Pokerstars qui n'hésite pas à promouvoir ce marché européen sur les plateaux de télévision, même quand on ne lui pose pas la question (voir à la 8e minute de la vidéo). Une des rares déclarations Winamax sur le sujet provient de leur couvreur Benjo, interrogé sur Wam et se contentant d'une affirmation lapidaire quant à l'intérêt de l'opérateur sur le sujet. Sans remettre en cause cette parole, on imagine difficilement Winamax afficher une position sur le sujet à l'encontre de la quasi-totalité de la communauté poker, donc de ses joueurs. Pourtant dans le même temps, la room investit plus de temps et d'argent en communication pour recruter des étrangers sur le .fr, plutôt que d'amener le .fr à l'étranger. Son expérience internationale se limite d’ailleurs au marché américain dont on n’entend plus parler depuis 2012.
La solution pourrait venir d’un éventuel partenariat. Le logiciel W a résisté à l'épreuve du marché français et n'a rien à envier à ses concurrents directs. Cela pourrait ouvrir la porte à des opérateurs internationaux n'ayant pas atteint une taille critique pour partager une liquidité commune (888 en Espagne par exemple). Néanmoins, migrer sur un nouveau logiciel est toujours risqué pour un opérateur, avec le spectre d’une perte partielle de sa liquidité. Partage de sa technologie ou migration de la room française, cela irait néanmoins à l’encontre de sa stratégie d’indépendance technique mise en place en juin 2010. Dans ce cas, le spectre d'un rachat pur et simple est aussi une option. Deuxième opérateur mondial, 888 pourrait ne pas y voir qu'une simple opportunité de partenariat mais une solution pour combler son retard sur son concurrent direct, Pokerstars. Les actionnaires de la start-up française sont des entrepreneurs pragmatiques : Marc Simoncini s'est offert une fortune en vendant Meetic et investit dans de nombreux projets via son fonds d'investissement Jaïna Capital.  Alexandre Roos et Christophe Schaming, avaient également revendu Caramail à prix d'or. Nul doute qu'une offre intéressante serait étudiée de très près.

Cela laisse même présager un dernier scénario. La réactivité de Pokerstars n'est plus à démontrer, depuis le rachat de son ennemi juré, FullTilt Poker, évitant ainsi que l'opérateur ne renaisse de ses cendres grâce à la famille Tapie. Sur l'Île de Man, on se demande encore comment un pays a réussi à lui refuser son hégémonie naturelle. En mode hibernation depuis deux ans, hormis quelques Series et une Maison du Bluff à intervalle régulier, la solution la plus simple reste encore de faire un nouveau chèque pour acheter ce que l'on n'a pas pu battre. « Si tu ne peux vaincre un ennemi, fais-t’en un ami ! » affirmait Machiavel. « Ou achète-le » aurait répondu Isaï Scheinberg …

Un marché décloisonné aurait donc l’avantage immédiat d’une liquidité plus importante, mais face à un énorme chipleader et des poursuivants éparpillés sur des plateformes à taille et stratégie variables, les joueurs ne disposeraient alors même plus de leur seul atout actuel : faire jouer une concurrence qui n'existe déjà pratiquement plus en Espagne et peu en Italie. En France, une fois son assise consolidée sur le marché, la room a fortement remonté son rake en France fin 2011, alors qu’elle bénéficie d’une fiscalité (TVA, impôt société) bien plus avantageuse.

Réunir trois grands malades ne garantira pas un grand guéri.
                                             
Les défis d’un marché régulé ne peuvent se limiter à cette seule problématique. Un marché européen donnerait lieu à une liquidité artificiellement dopée, mais dans les trois pays, les chiffres montrent que le vrai challenge est d’abord de maintenir la liquidité et le nombre de comptes joueurs actifs. Dans un marché totalement ouvert, comment imaginer Bettiamoci ou Poker Heaven venir dans l’Hexagone conquérir des clients que les opérateurs locaux n’auraient pas encore touchés, ou PMU dans une Espagne où les paris hippiques ne pèsent pas lourds ? Un marché décloisonné où seules les liquidités seraient partagées n’aurait, lui, aucune incidence sur le recrutement de prospects et le développement des cash-in, nécessaires aux rooms comme aux regs pour faire fonctionner le système.
Les acteurs du marché doivent se remettre en question, innover, trouver de nouveaux process. En 2005, au début de la Bruelmania/WPT sur Canal+, le process d’arrivée d’un joueur au poker état basé sur une publicité ou un affiliateur, une offre de premier dépôt, des freerolls pour grignoter un début de bankroll et des rake races ou challenges hebdomadaires pour animer les tables. Nous sommes en 2014, huit ans plus tard, et les rooms se reposent toujours sur des affiliateurs, bonus de premier dépôt, freerolls à gogo et autres rake races pour continuer à faire le job. Les chiffres de l’Arjel depuis deux ans leur donnent tort, et le succès de Winamax, construit sur la volonté de se démarquer sur la plupart de ces critères, devrait les inciter à revoir leur copie.

Côté joueurs, plutôt que rire des garanties des France Poker Championship de Party Gaming, des PMU Poker Series ou des actuelles Spring Series d’iPoker, ces derniers feraient mieux de s'inscrire sur les rooms, et jouer ces Events pour que les prochaines éditions proposent des garanties toujours plus attractives. Plutôt que moquer l’absence de Late Reg sur Ongame, ils feraient mieux de s’inscrire sur Europoker, pour permettre à la room de peser sur les changements techniques nécessaires et développer ses tentatives d’essor (rakeback, MAXI Lundi). Plutôt que réclamer sur les forums aux opérateurs d’iPoker la reconduction mensuelle de rake races dont l’intérêt reste très discutable et toujours très discuté entre regs de variantes différentes, ils doivent comprendre qu’il s’agit de promotions que les rooms ne rentabilisent que parce qu’elles sont ponctuelles et nécessitent derrière que les joueurs jouent sans en bénéficier constamment. Plutôt que de rêver d’accéder aux 'fishs' espagnols et italiens qui ont autant déserté les tables de Cash Game que les français, ils devraient mettre leur égo de côté et être force de proposition afin de conserver leur écosystème qui, aujourd'hui, tourne en circuit fermé.

Le marché européen est une nécessité, indéniablement, les marchés régulés s’essoufflant rapidement en raison de leur taille réduite. Mais, dans la configuration actuelle, cela ne semble pas une solution à l'avantage des joueurs, hormis à très court terme. Trouver des réponses aux problèmes des marchés nationaux, en est une bien meilleure. Pour que le jour où la législation évolue pour permettre un poker.eu, ils soient gagnants au même titre que d'autres acteurs du marché.

soxav

*Source : Les chiffres utilisés sont basés sur la moyenne hebdomadaire de joueurs CG de Pokerscout sur les six derniers mois.