dimanche 29 juin 2014

PETITS ARRANGEMENTS ENTRE AMIS

Dans quelques jours, l’ARJEL va sortir de sa torpeur estivale pour nous annoncer les chiffres du deuxième trimestre  du marché des jeux en ligne. Voici ce qu’il faudra en retenir : Baisse des mises en Cash Game, non compensée par la bonne tenue des tournois et un nombre de joueurs actifs encore en baisse. Face à cette tendance de fond, les acteurs du marché tentent de s'adapter comme ils peuvent, et tant pis si le fair play et la tranparence ne sont pas au rendez-vous. 
Pendant ce temps chez Pokerstars, on ne badine pas avec le rouge qui pique. En en ayant probablement trop abusé, Dale « Daleroxxu » Philip l’a appris à ses dépens. Trop démonstratif lors de la retransmission d’Espagne-Pays Bas en marge d’un tournoi à Marbella, Pokerstars l’a licencié dès le lendemain pour des gestes déplacés envers les spectateurs espagnols. L’exemplarité envers le client est une valeur primordiale dans le milieu sulfureux du poker. Enfin, ... un peu.

En novembre dernier, MyPok fermait ses portes sur le réseau Partouche  pour rejoindre le réseau iPoker. La notion de rapidité étant toute relative, il faudra attendre plus de cinq mois pour que le retour soit effectif. C’est surtout la gestion des comptes joueurs et de leur bankroll qui pose question : après avoir annoncé une réouverture au 01 Janvier, la room a cessé de communiquer. Les joueurs en attente de leurs fonds n’obtenaient au mieux que des réponses du genre « transmission au service concerné ». Dans le cadre des discussions avec Joaonline, fallait-il rendre la mariée la plus belle possible avec joueurs et comptes approvisionnés ? Cela serait une nouvelle forme de fidélisation clients : le blocage de fonds.
Depuis plusieurs semaines, ce sont les joueurs d’Europoker qui se heurtent à des difficultés. La plupart des joueurs effectuant des retraits ont dû attendre de longues semaines, sans communication claire de la room. Pourtant, la room avait avancé sur  Poker Académie des arguments de process qui, même s'ils laissent sceptique, pourrait s’entendre : le système de fiduciaire qu’elle serait une des seules à avoir mis en place, le process interne de gestion de la plateforme entre les rolls Bwin et EP. Mais alors, pourquoi ne pas afficher ces éléments pour expliquer aux joueurs de Clubpoker que le blocage vient du système justement mis en place pour assurer les fonds ?  Pourquoi un forum majeur n'exige-t-il pas d'avoir a minima les mêmes infos que d'autres, bien plus petits, obtiennent ?

Dans cette quête du respect du joueur-client, on peut se féliciter des belles promotions imaginées par les équipes marketing : exit les bonus de premier dépôt, place aux Bonus Cash. Toutes les solutions sont bonnes pour doper le montant offert avec des clauses parfois savoureuses.
Début 2012 déjà, Turbopoker plaçait la barre haute en proposant 50€ sans dépôt : crédités en quatre étapes, email à  envoyer avec code spécial dans un délai d’un mois et cerise sur le gâteau, 15€ en cash au final pour 35 Token de 1€ … Plus près de nous, début juin 2014, Everest Poker a activé une promotion similaire, Freemoney, en remplaçant les tokens par 35€ ... de bonus à débloquer en trois mois (ainsi que 10€ en cash + un ticket 5€). Avec cette idée novatrice, la room a jugé préférable de limiter l’accès sur une seule semaine aux 2000 premiers inscrits … qui n’auraient pas vu que le bonus 1er dépôt était également disponible, jusqu'à 500€, lui. Le principal était surtout d’occuper le terrain face au lancement des Mini FPC de Party et PMU Poker. D'ailleurs, l'analyse de la fréquentation du Freeroll 1000€ "nouveaux déposants" en mai/juin est sans équivoque : sur les quatre événements organisés en juin, moins de 300 joueurs supplémentaires par rapport au mois de mai !

Cette formule était déjà utilisée quelques mois auparavant par Europoker, qui a copié/collé sur ClubPoker fin avril une offre proposée trois mois plus tôt aux Poker Académiciens (10€+5€+35€ de bonus à clear). Dans les deux cas, le process mis en place a rapidement donné lieu à des critiques. Si les administrateurs de PA ont mis du cœur à défendre le deal (« field le plus faible du .fr », « offre aussi attractive que Winamax »), ils sont restés présents tout au long de l’opération. Sur Clubpoker, où les 15€ se seraient finalement transformés au final en tickets (dont des satellite … rebuy), les membres n’ont pas eu cette chance : pas une seule intervention d’un modérateur, pas trace d’un administrateur sur le thread dédié pour aider et rassurer les joueurs en galère. Pas de doute, les clients des affiliateurs, ce sont les rooms … Europoker a été dernièrement très active en bannière et habillage de Home Page pour ses Maxi Lundi et autres tournois qualifiers pour les étapes du BPT.
Turbopoker  s’est même permis avec un autre partenaire (la page n'est plus accessible) de proposer cette offre de bonus sans dépôt en y intégrant deux tickets pour des freerolls en leur donnant une valeur faciale "estimée". Magique ! Et communiqué par l’affiliateur, il n’y a pas de petits profits. Pourtant quand une room veut être innovante et monter des opérations originales pour séduire le joueur récréatif, elle y arrive.

Extrait des "Modalités" de participation des MPS chez Turbopoker et des EPT chez Pokerstars
Les rooms font en revanche peu de cas de l'image de leurs clients. Les « Termes et Conditions » des tournois qualificatifs pour des événements live, toujours cachées dans les recoins méconnus des sites, sont franchement discutables. Aucune room ne se prive : en participant à un "qualifier live", que le joueur paie de sa poche, sur lequel l’opérateur prélève normalement son rake, le joueur s'engage à porter les couleurs de la room sans aucune contrepartie, à accorder  à la room le droit d’utiliser son nom et son image à des fins promotionnelles et sans autre compensation. Certaines exigent même qu'il assure la promotion de la room, ou agisse en tant que porte-parole (entretiens avec la presse, participations à d'autres tournois) . Bientôt, il faudra ouvrir un blog à la gloire de votre room préférée parce que vous avez fait ITM d’un tournoi à 10€ ! Et pourtant, quand des joueurs qualifiés online pour le Winamax Poker Tour, exigent de connaître les modalités de ces obligations, on leur oppose maladroitement les « devoirs du qualifié », qui ne concernent que les qualifiés ... via les freerolls live. Il faut noter que la room a finalement mis en place un système de contrepartie en miles pour les joueurs arborant le W rouge pendant l’épreuve. D'’autres opérateurs avancent, eux, les Mentions légales ... des concurrents. "Pokerstars le fait, alors on le fait." Malheureusement, comme les joueurs pensent que c’est normal et qu’on ne peut rien y faire, ce n'est pas prêt de changer. 

Il faut dire que dès qu'il s'agit de Pokerstars, le joueur de poker d'habitude pourtant prompt à la critique, devient très souvent fanboy. Ainsi sur les forums, il n’est pas rare de trouver des gros réguliers justifiant par exemple l’augmentation du rake fin 2011 par le coût du système de fidélité rouge pique. Quid de la mise en place de ce changement fin décembre sans aucune communication ? L’acquisition et la fidélisation à outrance de milliers de clients pendant les 18 mois précédents ? Le rake toujours plus cher que le concurrent direct qui, lui, ne s’est pas exilé fiscalement, et paye TVA et autres impôts ?  Cela ne semble pas entrer en ligne de compte. Impassibles, comme des spectateurs espagnols face un joueur PS qui fait la danse du but néerlandais.

A tel point que la room ne se refuse désormais plus rien : à l’occasion du lancement de ses tournois Flights en mai, les Day 1 prévus ne suffisant pas à couvrir la garantie, la room a rajouté en douce un Jour 1 supplémentaire en plein milieu d’après-midi, alors que le lobby du Day 2 présentait déjà le nombre de joueurs qualifiés, ITM et l’échelle de gains complète. Aucune communication sur les forums pour informer les joueurs alors que, contacté, le service client affirme que « ceci a été décidé pour donner plus de chance aux joueurs de se qualifier pour le Flight 2 ». L’overlay de 50K€ n’a bien sûr pas été un critère dans ce choix. En insistant un peu, la room assénait alors son argument ultime et définitif : ses conditions générales d’utilisation. « PokerStars.fr se réserve le droit de changer les paramètres de chaque tournoi à tout moment sans préavis. » On peut comprendre le problème d’un tel overlay pour la room, mais cela amène bon nombre de questions :

  • L’équité envers les joueurs déjà inscrits et qualifiés pour le Day 2,
  • Les modalités de l’événement sur un nombre de jours définis : combien de joueurs ont participé en ayant flairé la bonne affaire d’un ratio prizepool/field très favorable ? Encore plus sur le dernier Day 1 (le dimanche soir, baptisé pour l’occasion par la room « Last Chance ») où ils sont très nombreux à s’être inscrits en vue d’un overlay massif et ne l'aurait peut-être pas fait avec un dernier Day 1 à jouer le lendemain.
  • L’absence totale de communication : la room a tellement pensé à donner plus de chance à ses joueurs qu’elle en a oublié de communiquer : pas de mails, de newsletters dans nos messageries, pas le moindre message sur les communautés françaises. Seuls quelques CPistes ont eu la chance de l’apprendre grâce à la perspicacité d’un membre du forum, sans que le moindre modérateur ne pointe le bout de son nez.
  • La généralisation du système : Winamax a tenté de relancer son Main Event en adoptant une formule Flight sur sept jours. Le succès n'est pas a rendez-vous puisque le prizepool est repassé d'abord à 150K, puis 100K comme avant. Mais la room s'est acquittée des 65.000€ d'overlay sans chercher d'artifices. Pourquoi ne ferait-elle désormais pas pareil ?

En soi, rien de bien grave, une room n'a pas vocation à perdre de l'argent. Mais qu’est-ce qui empêche désormais la room de proposer des prizepools pharaoniques pour assommer la concurrence en prévoyant  une semaine entre les Day 1 et 2 pour rajouter autant de Day1 qu’il n’en faut ? Plus simplement, pourquoi ne pas envoyer un représentant au micro pour annoncer que le prizepool garanti n’était en fait pas garanti, en effaçant maladroitement les traces sur internet ? Oh wait …
Si la tradition écossaise selon Dale Philip consiste en des gestes proches du bras d’honneur qui n’en sont pas, l’Ile de Man semble avoir été annexé par une armée en kilt. A suivre fin juillet avec les Events Re-entry des Micro Series.


La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est l’intérêt immédiat de l’Arjel qui, une fois contactée, a immédiatement réclamé « davantage de précisions et notamment une copie d’écran des conditions générales de l’offre ». Une belle occasion de voir le poids de cette chère Autorité : la réponse est tombée le 15 Juin avec un Summer Special 100K€ en mode Flight. En raison d’un overlay de 8K€, un troisième Day 1 a vu le jour à la dernière minute. Relancée à de multiples reprises, l’ARJEL n’a plus jamais répondu. Comme l'a annoncé son Président, "Nous discutons avec les opérateurs" pour trouver des solutions au déclin du poker. Monsieur le Président, ne serait-il pas temps de discuter avec les joueurs ? Et pendant que M. Coppolani, les rooms agissent.
Que penser également du silence total sur le sujet en mai puis à la mi-juin sur les forums ? L’opération Missions Spéciales, parmi lesquelles figuraient ce Summer Special, a été relayée par tous les affiliateurs de Pokerstars : de Clubpoker à Pokerdream, de Rue des Joueurs à Poker Académie ou de Pokerstrategy à Pokerlistings. Même Poker52 nous gratifiait de l’infomercial. Pourtant, aucun d’entre eux ne s’est fait l’écho de ce nouveau mode de MTT mis en place par un opérateur leader, dont l’affiliation et les budgets publicitaires font vivre une bonne partie du microcosme.

Pokerstars ne plaisante pas avec son image et les valeurs que l'opérateur souhaite véhiculer. Dale Philip vient d'en faire les frais. Mais la room gagnerait à balayer un peu devant sa porte . Et comme l'adage du marché français est désormais "Si Pokerstars le fait, ils devraient tous le faire", l'image et le respect envers les joueurs (du récréatif au reg) ne s'en porterait pas plus mal, non ?


soxav