lundi 17 février 2014

LE MATCH DES OUTSIDERS : PMU grimpe, Everest galope

En Septembre, les groupes Barrière et Française des Jeux jetaient l’éponge après trois ans d’investissements aussi massifs que vains. Le poker français assistait alors à la énième fermeture, sans savoir qu’en fait il s’agissait du premier changement majeur dans la structure du marché. A la manière d’une bombe, après la déflagration viennent les ondes de chocs en vagues successives. Et pour une fois, il n’est pas question de Winamax et Pokerstars, mais de leurs challengers : PMU Poker et le Groupe Betclic Everest (BEG), les deux locomotives en France des plateformes Party Gaming et iPoker.

Fin 2012, Betclic Everest se débarrassait de son logiciel sclérosé pour les tables du réseau iPoker. L’opérateur avait un temps espéré jouer les cadors du poker français comme son historique en .com aurait pu le laisser penser, mais le poker était très rapidement devenu trop compliqué pour lui. A l’inverse, PMU Poker, rookie en matière de poker en 2010, avait fait le choix gagnant d’une liquidité partagée avec Party Gaming. Au bout, une troisième place sur le marché français pour une part de marché de 6,5% à l’époque.
2013 devait donc être une année primordiale pour ces deux protagonistes après trois ans de prise de position. BEG n’a pas organisé sa migration dans le seul but de sauver le soldat iPoker après les défections de Chilipoker et Titan. Chez PMU Poker, pas question de changer une stratégie gagnante. Mais les contours du marché, dessinés autour de deux mastodontes, ne laissent que peu de place à des rêves de grandeur. Sauf si un acteur du marché venait à jeter l’éponge, par exemple une room qui serait en mode opération Pièces Jaunes pour ses regs, dilapidant l’investissement des maisons mères en offres de rakeback et autres grilles de tournoi à overlay massif …

Et cela tombe bien, Barrière Poker a décidé de se dévouer. Si les joueurs ne découvrent qu’en Septembre la fermeture de Barrière, le landerneau du poker sait dès le mois de mai que la messe est dite : dénonciation des contrats des affiliés partenaires, non diffusion des résultats et objectifs fin juin comme cela avait été le cas en 2012. Cerise sur le gâteau, à la même période on apprend aussi que Paiterpan1 s’est brûlé les ailes et ferme sa room éponyme. Pour les autres rooms "secondaires", c’est évidemment une aubaine.

Dès la fin mai, les premières images de l’application Everest, qui ne verra le jour qu’en décembre, sont diffusées pour faire du teasing. Le communiqué de presse du 28 Mai est repris par de nombreux sites d’affiliation, par souci d’information de leurs lecteurs bien sûr, pas uniquement pour préparer la migration des joueurs Partouche / Barrière et les juteuses commissions d’affiliation qui les accompagnent. De speedpokerinfo en passant par 1er-pari.com ou poker-planet jusqu’à Clubpoker. Etonnamment, aucun de ces sites ne se souvient alors de la même conférence de presse trois ans plus tôt, le 20 Septembre 2010, où Sandrine Mangia Park, alors Directrice Marketing d’Everest Poker France, déclarait à l’occasion des premiers résultats de Manga Gaming [ndlr : devenu Betclic Everest Group fin 2010] : « Nous serons les premiers sur iPad ».


Joli bluff ! Après Winamax, Pokerstars, Bwin, et Barrière, la liste s’allongera fin 2013 puisque PMU et même PKR, pourtant opérateur confidentiel en France, se paieront le luxe de les précéder. Comme l’affirmait Lucas Gros, Chef de Produit Everest / Betclic, sur le blog de l'Express, « le groupe a identifié le mobile comme un réel gisement de croissance ». Des visionnaires chez Everest puisque nous sommes alors en Novembre … 2013! L'opérateur sortira finalement son application un mois plus tard dans une semi-indifférence … mais avant Mypok, Partouche et Poker83, l’honneur est sauf !

Même si la période de vacances n’est pas propice à la fréquentation des rooms, ils fourbissent leurs premières armes. Fin juillet, le site poker.fr devient officiellement le blog des sites Betclic et Everest Poker. Racheté cinq ans plus tôt « en vue de l’ouverture du marché », quelqu’un chez Everest s’est donc enfin rendu compte que le marché avait ouvert …. Le site reprend du service, mais uniquement pour relayer les informations aux couleurs Betclic / Everest qui se met ainsi au diapason de ses concurrents, disposant tous d’un blog. Dans le même temps, BEG se positionne sur un autre domaine où PMU est actif : le live. Face au partenariat WPT National (Annecy en Mai, Marrakech en Septembre), il dégaine Saint Barth et Punta Cana en l’amortissant sur quatre mois de sélection, rien que ça.

Ce ne sont là que les prémices. La confrontation commence réellement à la rentrée, quelques jours avant que Barrière n'officialise son échec. De manière inopinée, cela va de soi, malgré des emplacements publicitaires se réservant des mois à l’avance. Des spots radios diffusent l’origine du poker : « Everest Poker, le poker commence ici », nouvelle signature de l’opérateur pour sa communication. Heureusement PMU Poker avait de son côté toutes les sucettes et abribus nécessaires pour lancer son application poker, en parallèle d’une campagne nationale sur la marque PMU revisitant le Titanic et l’assassinat de Kennedy. Everest a ajouté la dimension audiovisuelle à sa campagne à partir du 13 Novembre, avec un premier spot épaulé à partir du 16 Décembre par un deuxième format plus court, sur le thème de l’aventure, un Roi de cœur en guest star façon Indiana Jones qui se démène pour arriver à sauver le joueur à la river. La presse n’a pas été oubliée mais plus de la moitié du budget publicitaire a été englouti en télé.

Deux campagnes menées en parallèle, à la même période, articulée autour de deux spots publicitaires, dont le but est de rajeunir la clientèle chez PMU (« 27% de la population, âgée de 18 à 34 ans, représentent en fait 47% des joueurs », selon Cyrille Giraudat, Directeur Marketing du PMU, à Challenges), et « cibler la tranche ‘Hommes, 25/49 ans » selon Sabrina Ben-Yelles, Directrice Marketing Everest-Betclic.

Sur le plan promotionnel, les deux opérateurs se renvoient également coups pour coups. Le réseau Party organise début décembre ses French Poker Championship (FPC), iPoker répond par le lancement des Poker Master Festival début décembre. Dans la foulée, les deux rooms ont entamé une partie de ping pong : Shark Attack Cash Game d’Everest vs SnG Winter pour PMU, enchainé d’un combat ITM All Stars en MTT vs Bonus Builder chez PMU. Les deux rooms n’attendent même plus la fin des promos pour en lancer de nouvelles, quitte à créer des millefeuilles de promotions à l’intérêt quelquefois limité, s’attirant au mieux l’indifférence, au pire les foudres des regs sur les forums notamment sur la dernière en date ‘SnG Madness’. Il faut dire que PMU Poker compte encore une tête d’avance : il reste le seul, hormis les deux leaders du marché, à oser faire sa propre Série d’Events (PMU Series IV) début mars, contre laquelle les rooms d’iPoker n’ont pu que vaguement annoncer dans l’urgence une opération de soldes sur « 2 ou 3 tournois quotidiens pour seulement 50% du buy in habituel » pour occuper le terrain. Avec le début des qualifications Pro Dream avec à la clé un contrat de 50.000€, Everest ne peut que regarder son adversaire jouer dans la cour des grands : Top Shark Academy proposant la même somme chez Winamax, et le Dreamjob de PS, n’ayant pas connu de reconduction en 2013, 35.000€ « seulement ».

Alors, en attendant, la room occupe son temps à relifter sa grille. Elle vient pour la quatrième fois de modifier son offre de tournois : hausse des garanties pour les tournois explosant leurs garanties (tous les rebuy du matin, les Low Buyin d’après-midi, l’Evening Elite), et divers stratagèmes sur tous les autres (Late reg de trois heures sur le Big Prime, l’Access en overlay chronique devient rebuy, changements de buyin, d’horaire ou de nom pour baisser incognito les garanties, …). Quitte à marcher sur la tête dans certains cas comme celui du Before, tournoi Rebuy lancé fin novembre pour un Buyin de 20€ et 3K€ Garantis, qui a connu un buyin à 30€ moins d’un mois plus tard, puis 15€ le lendemain de ce changement avec suppression du Rebuy, et le surlendemain le prizepool baissait à 2000€ ! L’overlay ne se démentant pas, la plateforme repassait le buyin à 20€ … 10 jours plus tard, avec pour résultat depuis un overlay entre 10 et 15% quasiment tous les soirs.

Surtout, la plateforme s’est enrichie fin janvier d’un Highroller 200€ hebdomadaire salué par les regs de HS, et dernièrement d’un Super Prime time 100€ à 50.000€ Garantis tous les premiers dimanches du mois (et 30.000€ de garantie les autres dimanches), et d’un Deepstack Atlantide 20€ le Dimanche à 15h30. Les afficionados de PMU Poker n’auront pas manqué la similitude avec la grille PMU Poker : Dimanche Deepstack (15h30, 20€ !), 30.000 Gar à 100€ tous les dimanches sauf le premier du mois avec un 150€ doté de 100.000€ à se partager … Un hasard peut-être, tout comme la première refonte de sa grille avait eu lieu le 30 Septembre 2013 ? Le jour où le logiciel Barrière s’arrêta.


On ne pourra néanmoins pas reprocher à Everest Poker (étant la locomotive d’iPoker, il est évident que la room a plus de poids et de risques dans les décisions de la plateforme) son immobilisme : Highroller, Warm Up augmenté quatre fois en 6 mois de 10K€ à 15K€ Garantis. A la différence d’un PMU Poker sur ce point, qui a profité de l’effet « été 2013 » pour baisser la plupart de ses garanties et oublier de les remonter depuis. L’offensive concurrente risque de les obliger à upgrader rapidement leur grille, par exemple à l’occasion de la nouvelle version du logiciel Party Gaming annoncée en mars avec la migration de Bwin.

S’il fallait une preuve que le salut des joueurs de poker français ne peut désormais plus venir que de la concurrence entre les opérateurs, ce combat pour la troisième place du marché démontre à quel point il est vital pour les joueurs de participer au maintien du plus grand nombre d’opérateurs possible.


soxav

8 commentaires:

  1. Toujours aussi agréable de te lire.

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  2. bravo, un article de fond bien loin devant les m.... des journaux officiels

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  3. Merci pour ce bon moment de lecture ...

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  4. Bel article, qui change des rengaines habituelles !

    Janluk

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  5. Le salut ne peut-il pas également se trouver dans la réduction du nombre de concurrents ? On parle d'écosystème à faire survivre, moins de room ce serait plus de joueur par room restante, plus de rake généré pour une room et un peu plus de chance de survie, non ?

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  6. Pour les opérateurs oui, mais pour les joueurs, n'avoir plus que 2 ou 3 rooms, cela va-t-il avoir un effet bénéfique ?

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