lundi 30 mai 2016

SCOOP 2016 : Analyse avec A. Laipsker

Produit phare des promotions Pokerstars, les Spring Championship Of Online Poker se sont tenues en avril. Nombre d’events inchangé, communication plutôt light, le résultat l'est-il tout autant ? Depuis un an, l’environnement de la room a fortement évolué : coupes budgétaires imposées par la maison-mère, orientation forte sur le joueur récréatif, tension et confrontation avec ses joueurs les plus réguliers. Alors que les joueurs du .fr ont plébiscité les Series concurrentes jouées en parallèle, ces SCOOP livrent une première tendance de l'impact de la 'réorientation stratégique' de l'opérateur sur le marché français.

Avec 4M€ garantis pour autant d'events, Pokerstars a diminué la garantie totale des SCOOP d’un million d’euros : -20.5% sur la série High, -14% sur la série Low. Alexis Laipsker, Directeur de la communication de Pokerstars, confie sans détour :

"Cette baisse est requise du fait des résultats actuels. PokerStars essaye toujours de proposer la garantie la plus attractive possible avec un niveau de risque acceptable."

Le Main Event High fait bien entendu les frais de cette stratégie en passant à 750.000€ Gtd, mais la tendance est générale. Seuls six tournois sur cinquante ont vu leur garantie maintenue à l’identique de 2014, les autres accusant des baisses de 6% à 50% ! Au final l’édition 2016 distribue 4.5M€, couvrant donc de 12,5% en ligne avec les SCOOP 2015 (5.5M€ en 2015 pour 11% de couverture).


Sans grande surprise, la série High est plus impactée par la baisse de fréquentation. A la baisse des garanties s'ajoute probablement la désaffection de joueurs directement impactés par les changements récents de la room en termes de système de fidélité. Ainsi, 80% des events affichent une baisse de fréquentation dépassant 15%, pour une moyenne globale de 18,5% sur les dix jours. Comparé à la baisse des garanties, le résultat est plutôt favorable. Seul le #13 (Re-entry sur deux jours) réussit à attirer plus de monde (+2.47%) que lors de la précédente édition.
Dans la catégorie ‘Low’, la tendance est moins mauvaise (-15%) en ligne avec les garanties (-14%), avec trois tournois en progression par rapport à 2015 : Event #02 (Re-entry sur deux jours) +1.75%, #13 (Re-entry sur deux jours) +14.50% et #22 (Main Event) +2.09%.

Pour la deuxième fois de l’année, Pokerstars a fait l’impasse sur l’alléchant Million Event, "adaptant les garanties à la demande constatée", selon A. Laipsker. La room semble avoir abandonné la guerre d’image face à Winamax en réduisant son prizepool et en le reportant d’une semaine par rapport à l’an passé (Day 2 joué le 19/04 au lieu du 14/04 en 2015). Pour la première fois depuis plusieurs années, il n'était donc même pas programmé en même temps que son homologue des Winamax Series. Avec sa garantie en baisse de 25%, le field ne recule finalement que de 20.83%. Une satisfaction bien relative pour un opérateur qui aura néanmoins réussi un joli tour de communication en achetant un habillage Clubpoker vantant 1.000.000€ Garantis … sur deux Main Events.
"Relancer des tournois à 1 Million d'euros n'est pas exclu et si une opportunité est identifiée, ils seront programmés."


Au final, on pourrait s’interroger sur l’avenir des SCOOP en l'état. Une série de tournois avec des Buyins élevés s’intègre-t-elle dans une stratégie orientée ‘récréatifs’ ? A. Laipsker "réfute ce postulat. PokerStars s’est toujours employé à satisfaire l’ensemble de ses joueurs : les récréatifs mais aussi les joueurs réguliers et aguerris. Je crois même qu’aucune room n’a d’éventail aussi large. Il n’est pas question de tourner le dos à qui que ce soit." Pourtant, variante moins grand public, le Omaha en a par exemple déjà fait les frais, quasiment absent avec une seule soirée dédiée cette année.
Si le bonus 2016 a subi une cure d’amaigrissement, passant à 25% du dépôt (jusqu’à 50€) alors qu’en 2015 il était de 50% du dépôt (jusqu’à 150€), le traditionnel Freeroll du Million (en réalité un Freebuy, 1€ pour chaque Rebuy et Addon), voit 42 Tickets Main Event Bas offerts aléatoirement toutes les quinze minutes pendant 1h30 de jeu (soit la période de rebuy). Même si le tournoi séduit moins qu'en 2015 (-3,15%), l'offre motive les joueurs à rester en lice plus longtemps, le nombre de rebuys explose (+18%). Plus de joueurs étant mécaniquement encore présents en fin de période de rebuy, le volume d'add-on progresse de 12%. Bonne pioche pour cette version 2016 : dans un environnement baissier, la room parvient à augmenter le taux de participation par joueur.

Enfin, fidèle à sa nouvelle stratégie "récréative", Pokerstars a mis en place une ‘Mission’ comme l’opérateur le fait maintenant à de nombreuses occasions : "Il suffisait de faire deux ITM pour être inscrit à ce freeroll, ce qui est relativement accessible". Malgré les 5000€ à la clé, seuls 284 joueurs y ont finalement participé alors que les SCOOP ont généré plus de 90.000 buyins (hors re-entry). Pour Pokerstars, "[ce] résultat est très anecdotique. Ce n'est pas ce que nous retenons d'une série aussi ambitieuse". 

"Le marché français est compliqué et dans ce contexte ainsi que les autres produits que nous promouvons, nous sommes satisfaits de ces SCOOP."

Le bilan comptable est positif. La baisse de fréquentation est sensiblement en ligne avec la baisse des garanties. Malgré 28% de tournoi en overlay contre 20% en 2015, Pokerstars a généré un revenu de plus de 200.000€ net, hors tournois réguliers supprimés. Un chiffre en phase avec les résultats engrangés par la concurrence sur la même période (plus de 400.000€ en 91 WS).
Enfin si le résultat net hors prélèvement et bonus accuse un recul de 8,5%, l'opérateur a limité l'overlay 'net'* à 7K€ (trois tournois concernés contre sept en 2015), quand il atteignait près de 30K€ l'an passé. "Ce n'est pas un outil de recrutement mais plus un outil de rétention et de réactivation afin d'offrir régulièrement des offres excitantes pour nos joueurs existants". Force est de constater que Pokerstars.fr a réussi à optimiser son risk/reward en adaptant son offre promotionnelle.
Même s'il ne rentre pas dans les détails, A. Laipsker reconnaît que beaucoup de choses sont imaginées et que Pokerstars travaillent à des opérations 'cross produits', sans en dévoiler plus. L'arrivée de BetStars en France est une question de jours selon Rafi Askenazi, PDG d'Amaya. Si le .fr espère l'agrément de l'ARJEL, de préférence avant l'EURO 2016, le marché italien vient de découvrir l'offre le 23 Mai avec la mention "Beta".
La première passerelle entre Series poker et paris avait vu le jour lors des WCOOP 2015. A l'occasion des SCOOP 2016 sur le .com, Pokerstars a ainsi innové en lançant un Leaderboard 'Team Pro'. Les clients BetStars avaient l'opportunité de parier sur les trente joueurs concernés. Bientôt en France ? 

soxav

*Overlay non couvert par le rake, et donc un coût à financer réellement par l'opérateur.

mercredi 18 mai 2016

PROTECTION DES JOUEURS : Le point de vue de l'ARJEL


Sur son site internet, l’Autorité de Régulation des Jeux en ligne (ARJEL) indique être une autorité administrative indépendante créée par la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne n° 2010-476 du 12 mai 2010. Elle stigmatise régulièrement les critiques des joueurs, comme le mois dernier lorsque l’affaire Europoker rebondit au Tribunal de Commerce de Bobigny, où des joueurs se sont retrouvés pour tenter de récupérer des sommes qui leur sont, à priori, indûment contestées. Seuls, sans accompagnement. Protection des joueurs, fiducie, Conditions Générales de Vente ou d'Utilisation (CGV/CGU), l’Arjel a accepté de répondre et expliquer les contours de ces dossiers au cours d’un entretien avec son Président, Charles Coppolani et son équipe lors d'un entretien le 08 Avril dernier.


C. Coppolani (Président de l’ARJEL) : La problématique de la protection des joueurs a trois aspects pour nous. Un premier aspect est toute l’action que nous menons auprès des opérateurs pour que les logiciels de jeu soient des logiciels qui respectent les conditions du jeu et qui en même temps ne présente pas de vulnérabilités, qui font que les données des joueurs ne puissent être captés par un intervenant malveillant. Problème que nous suivons au travers des homologations, de la certification et éventuellement d’audits collaboratifs avec les opérateurs pour nous assurer que les conditions de sécurité sont respectées.

Deuxième aspect : le jeu problématique et addictif. La loi nous donne des pouvoirs limités, mais nous allons au-delà de cela. Nous nous assurons que les opérateurs mettent en place un certain nombre de dispositifs pour que leurs personnels soient formés lorsqu’ils reçoivent des appels des joueurs pour détecter les comportements qui peuvent montrer une pathologie, s’assurer que les personnes qui demandent à ce que leurs comptes soient suspendus ne soient pas sollicitées, pour s’assurer également que les interdits de jeu ne soient pas sollicités.

Clément Martin Saint-Léon, Directeur des Marchés, de la Consommation et de la Prospective, distingue à ce sujet trois volets :

-       - Le contrôle des opérateurs agréés par rapport à leurs obligations en matière de prévention, d’encadrement des limites de jeu, d’auto-exclusion,

-        - L’accompagnement des opérateurs pour partager les bonnes pratiques, aller au-delà avec eux sur leur organisation,

-       - La participation à des études et la mise en place de structures comme Evalujeu et des accords avec des associations type SOS Joueurs.

C. Coppolani : Le troisième aspect est l’aspect financier. Il comporte deux points : Nous sommes amenés à intervenir, mais sans réel pouvoir lorsqu’il y a un différend qui apparaît entre un joueur et un opérateur : différend commercial, blocage de compte …

C. Martin Saint-Léon : Nous avons quand même un bon taux de réussite.

C. Coppolani : En principe on devrait avoir un texte qui passe et qui créerait à l’Arjel une fonction de médiation, qui permettrait d’avoir un médiateur qui, lui, interviendrait dans d’autre conditions que nous [ndlr : il s’agit du texte accepté au Sénat le 05 mai, dont fait également partie l’ouverture des liquidités].


Q : Quand on regarde sur le site de l’Arjel, au niveau des missions, la première est effectivement la protection des consommateurs et population vulnérables. Dans l’affaire Europoker, il n’y a pas de structure en place pour les accompagner, les conseiller, les aider. Quand il voit que le rôle premier de l’Arjel est la protection des consommateurs, il y dichotomie entre ce qui est écrit et ce qu’ils comprennent. Ils ne font pas partie de ces populations et consommateurs vulnérables ?



C. Coppolani : Il n’y a pas en effet de structures. De la même façon que s’agissant de consommateurs en général, il n’y a pas de dispositifs particuliers parce que la loi n’a rien prévu, au-delà de la DGCCRF1 qui est aussi compétente dans les domaines du jeu et qui intervient dans ces questions, et notamment par rapport aux règlements généraux de vente des opérateurs. […] Il y a ce que le législateur a affiché, et les pouvoirs qu’il a donnés à l’Autorité. De ce point de vue, il n’y a pas de dispositifs spécifiques qui a été prévu en 2010 en matière de représentation des joueurs ou d’assistance. Il avait été question en 2010 de créer une médiation mais le législateur ne l’avait pas suivi. C’est pour cela que nous sommes revenus à la charge. Le médiateur ne sera pas forcément un élément de protection. Ensuite on a fait créer la fiducie mais il n’y a pas d’aspect de représentation des joueurs. 

C. Martin Saint-Léon : Sur la protection des joueurs, le texte de loi met en avant la protection des populations vulnérables parce que les textes ont été définis pour lutter contre le jeu des mineurs et pour le jeu excessif et pathologiques, et les interdits. Ils ont été élaborés pour protéger ces populations-là, notamment par des dispositifs de lutte contre le jeu des mineurs, de lutte contre l’addiction, etc. Néanmoins, dès qu’un joueur nous sollicite par l’adresse contact@arjel.fr, nous répondons à ces demandes, même sans que cela ne soit une médiation. On ne laisse aucun mail sans réponse, à part les mails d’insultes. On essaie systématiquement d’apporter l’information que recherchent les joueurs. On reçoit 5000 mails par an : il y a une assistance quelque part. On répond dans un délai assez court puisqu’on met en moyenne 48h à chaque demande.


Q. : En discutant avec certains joueurs au Tribunal de Bobigny, il y a une vraie incompréhension dans le fait que le cloisonnement du marché a été mis en place dans les textes pour la protection des joueurs. Il y a une Autorité qui régit pour nous protéger et le jour où on est victime, il n’y a plus personne.

C. Coppolani : Du point de vue de la garantie des avoirs des joueurs, l’affaire Europoker n’est pas une affaire exemplaire puisqu’elle s’est faite avant le dispositif qui est entré en œuvre avec la nouvelle loi de 2014 qui a créé l’obligation d’une fiducie. Pour Europoker, la fiducie qui a été mise en place est une fiducie contractuelle. C’est-à-dire que le collège de l’Arjel avait demandé à Europoker de mettre en place une fiducie mais ce n’était pas un dispositif légal.


Q. : Qu’est-ce qu’une fiducie contractuelle par rapport à une fiducie ?


C. Coppolani : A l’époque, les opérateurs n’étaient pas tenus de mettre en place une fiducie ou un dispositif de garantie. Par rapport à cela, nous n’avions pas la possibilité comme maintenant de pouvoir exiger des opérateurs un compte-rendu, qui est maintenant mensuel, des sommes qui sont en fiducie. On le faisait « sans texte », mais on n’avait pas les mêmes pouvoirs que maintenant.



Q. : La particularité du dossier, c’est ce qui est inscrit dans la fiducie et ce qui ne l’est pas : les « player returns ». A partir du moment où un joueur a déposé 500€, joué, et s’est vu créditer 500€ de bonus, selon vous cet argent est-il à lui ou non ?


C. Coppolani : Que les choses soient claires : les avoirs exigibles sont protégés. Entre ce qui est exigible et ce qui peut être sur votre compte, il y a une marge. Parce qu’il y a des bonus qui ne sont pas exigibles. Ce sont des bonus qui sont des droits de jouer : vous pouvez jouer avec ce bonus mais vous ne pouvez pas le retirer en argent.


Q. : Dans le cas d’un ticket de tournoi, certes, mais dans le cas d’un bonus premier dépôt, d’un bonus à débloquer ? Sur la partie bonus, car c’est là que la partie EP se joue, il y a une vraie interrogation sur le fait qu’à partir du moment où la room a crédité un bonus, cet argent-là apparaît bien dans les données que vous recevez dans le coffre-fort. Cela veut-il dire qu’aujourd’hui, l’Arjel n’a pas dans ses données l’argent que le joueur a réellement ?


C. Martin Saint-Léon : Cela dépend des Conditions Générales de Vente.

C. Coppolani : Le sujet n’est pas là. Que le bonus ait été crédité, oui, après la question est d’abord si le bonus constitue un avoir exigible. Cela dépend des conditions du Règlement général et des conditions générales de vente. Quand vous regardez les situations des différents sites de poker, vous avez des situations extrêmement différentes. Je ne peux donc pas vous répondre comme cela de but en blanc « un bonus est exigible ». Non. Que vous puissiez disposer du bonus, clairement, cela ne veut pas dire qu’il soit exigible.


Q. : Le fait qu’ils aient été mis ou non sur la fiducie, c’est quelque chose que vous ne pouviez pas voir, ou que vous n’aviez pas vu, ou qui n’était pas prévu ?


C. Larlus, Juriste : Nous avons aujourd’hui des pouvoirs qui sont des pouvoirs légaux sur la fiducie. A l’époque, nous n’avions pas de pouvoirs de contrôle légaux. C’est ce que le Président vous disait tout à l’heure. C’est un contrat de fiducie que le Collège a imposé, qui est contractuel. C’est-à-dire que l’opérateur a consenti à mettre en place cette fiducie parce que nous le lui avions demandé. Mais en échange, on n’a pas de pouvoirs de contrôle sur cette fiducie-là, tels que l’on en a aujourd’hui. Ce qui fait qu’on ne pouvait pas exercer de contrôles sur l’exécution quotidienne du contrat.

C. Coppolani : Le statut des bonus varie d’un opérateur à l’autre. C’est un contrôle qui est assez difficile à faire et c’est pour ça qu’on veut faire évoluer la façon dont les opérateurs donnent les informations. Parce que c’est très compliqué, difficile à suivre. […]

Je lis quelque chose d’intéressant, écrit par SuperCaddy sur Clubpoker [ndlr : en fait une News publiée trois heures avant le rendez-vous sur ce site, renvoyant à un message du membre 'Nobody2627'2, présent la veille au Tribunal de Bobigny parmi les joueurs convoqués] disant que Me Danguy, qui est le liquidateur dans l’affaire Europoker, a pris une position qui n’est pas celle des joueurs sur les bonus manifestement. Il dit que cette dernière « représente le liquidateur et a donc tout intérêt à ce que moins d’argent revienne aux joueurs pour récupérer une plus grosse part du gâteau. » En fait, c’est faux. La fiducie est un patrimoine affecté, qui revient aux joueurs et personne d’autre ne peut avoir accès à cette fiducie.

"La loi sur la fiducie est entrée en vigueur en Septembre 2014."

Q. : Le sens du propos porte plus sur ce qui, justement, n'est pas compris dans la fiducie, dans le sens de la question sur les avoirs disponibles.

C. Coppolani : La discussion dans la fiducie sur les bonus ou pas bonus est une discussion de répartition après entre les joueurs. Le gâteau est ce qu’il est. Je crains qu’il n’y ait pas grand-chose d’autre que la fiducie, d’autant plus qu’il y a tous les créanciers privilégiés.

M.A. Santarelli (Conseillère auprès du Président) : C’est en cela que la fiducie a été une protection, un moindre mal. Puisque c’était avant la loi, il aurait pu n’y avoir aucune fiducie du tout.

C. Coppolani : La loi sur la fiducie est entrée en vigueur en Septembre 20143.
C. Martin Saint-Léon : Ils avaient six mois pour le faire.

F. Guerchoun (Directeur Juridique) : On peut comprendre, c’est normal, que les joueurs aient un certain malaise par rapport à une procédure collective qui est techniquement assez complexe quand on n’est pas juriste. Pour le coup, nous n’avons vraiment pas la main : lorsque les joueurs reçoivent des convocations, on ne reçoit pas par exemple une copie. On n’a pas été tenu informé véritablement d’audiences et on ne fait pas partie de la procédure. Pour aller plus loin, le législateur ne nous a pas permis de porter plainte. On ne peut donc pas se porter partie civile contre un opérateur qui ferait n’importe quoi. On est dénué de pouvoir.

C. Martin Saint-Léon : Parce qu’on n’a pas de personnalité morale.[...] On a quand même essayé d’accompagner les joueurs en communiquant sur notre site, sur les évolutions. Après, il est sûr que l’on ne fait pas d’accompagnement juridique mais nous ne sommes pas outillés pour cela.

M.A. Santarelli (Conseillère auprès du Président) : Le seul rôle de l’Arjel, et peut-être faut-il qu’elle progresse là-dessus aussi, c’est effectivement sur l’information qu’on peut donner : tant que l’on en a eu et que l’on a pu en donner, je crois qu’on l'a fait de façon assez réactive et assez régulière.


Q. : Il y a un vrai gap entre les perceptions des joueurs et ce qui est fait.

C. Martin Saint-Léon : On comprend que les attentes des joueurs soient là. Mais on fait aussi avec les moyens légaux à notre disposition. Au niveau de l’information, nous essayons d’être le plus fourni possible à la fois en réaction aux demandes des joueurs et à la fois en information générale.


Q. : Revenons aux Conditions Générales d’Utilisation (CGU) : quand un opérateur change de CGU, vous avez juste un droit d’information, un droit de regard, une homologation à faire ?

C. Larlus : Il faut garder à l’esprit que la loi de 2010 ne pouvait imposer certaines choses aux opérateurs, un socle minimum de règles protectrices pour les joueurs. Ce qui était visé, ce n’était pas que les opérateurs aient la même offre sinon il n’y a pas d’intérêt à avoir une concurrence. Ce qui veut dire que les CGU ne peuvent pas toutes être identiques. Nous devons en avoir connaissance, nous exerçons un contrôle sur ces CGU qui porte par exemple sur la conformité à l’ouverture des comptes joueurs, … Le seul pouvoir dont on dispose dans ce domaine, c’est l’encadrement des gratifications commerciales pour lutter contre le jeu excessif et pathologique.

C. Coppolani : Les conditions commerciales sont variables. Il n’y a pas de pouvoirs spécifiques de l’Arjel hormis si les CGU ne respectent pas la loi et aussi ne respectent pas la loi de consommation. Ça, c’est le rôle de la DGCCRF et ce qui l’amène à faire des campagnes d’audit. Mais autrement dans ce cadre-là il y a une liberté totale des opérateurs qui est la liberté commerciale, la même liberté que celle dont disposent tous les opérateurs d’e-commerce lorsqu’ils passent un contrat avec un consommateur par exemple.

C. Larlus : Par le passé, la DGCCRF a déjà mené deux campagnes d’audit des CGU des opérateurs. Sur le poker je crois que c’était sa première campagne de condition d’octroi des bonus par les opérateurs de poker qui s’est déroulée en 2012 selon mon souvenir. Puis il y a eu une nouvelle campagne qui concernait les paris sportifs et hippiques. Ces campagnes ont pu être initiées sur des plaintes de joueurs et ont abouti pour certaines à des sanctions. Les sanctions de la DGCCRF ne sont pas toujours publiques. Cela peut être juste des avertissements qui entrainent typiquement un changement des CGU de manière faciale et il peut y avoir d’autres amendes, d’autres sanctions de nature différente.


Q. : Cela veut donc dire que vous avez l’historique des modifications de Conditions Générales d’un opérateur ?


F. Guerchoun (Directeur Juridique) : Dès lors qu’il nous les a communiquées.


Q. : Grosse différence dans la réponse ! Est-il envisageable qu’un opérateur puisse avoir changé ses Conditions Générales sans en avoir informé l’Arjel ?


F. Guerchoun : Ce qui est tout à fait envisageable, c’est que vous ayez un opérateur qui ne respecte pas la loi. Et qui par exemple ne vous envoie pas les Conditions Générales.


Q. : Je peux donc vous demander l’historique que vous avez dans le cas d’Europoker, avec les dates de modifications des CGU qui vous ont été communiquées. Après si vous me dites qu’il n’y en a pas eu de communiquer …


S’ensuit un flottement, le Directeur Juridique indiquant qu’il faudrait contrôler, C. Coppolani interrogeant ses équipes sur l’obligation de notifier pour un opérateur.

[ndlr : A la suite de l’entretien, après avoir demandé par mail les archives de CGU  (et modifications suivantes éventuelles) d'Europoker, l’Arjel répondra : « Après vérification, nous vous indiquons que les conditions générales d’utilisation successives de l’opérateur EUROPOKER en possession de l’Autorité énoncent toutes, depuis le commencement de l’exploitation du site europoker.fr, à l’article 5.3, que les ‘crédits de jeux ne peuvent pas donner lieu à reversement sur le compte de reversement’ du joueur.]


Q. : Quand un joueur a ouvert son compte sur Europoker, il a signé des CGU. Le jour où l’entreprise a fermé, on lui a opposé des CGU qui ne ressemblent pas vraiment à celles qu’il a signées. A-t-il loupé quelque chose ?


C. Coppolani : Le problème est que la plupart du temps, on approuve les CGU dans les dispositifs. Chaque fois que je mets à jour, non pas pour jouer puisque je n’ai pas le droit, je suis exactement dans les mêmes conditions qu'[eux]. Je clique et bien évidemment je ne lis jamais …


Q. : Un opérateur comme PMU par exemple a changé six fois ses CGU en sept mois. Elles comptent … 223 pages ! Est-ce normal qu’il n’y ait pas une information disant "Voici les nouvelles CGU, les changements concernent …" ? Qu’entend-on par protection des joueurs parce que finalement, il y a une approche unilatérale de l’opérateur qui peut ajouter des changements importants, tel que la disponibilité des avoirs, sans alerte ?


C. Coppolani : La loi de 2010 n’a pas modifié les conditions qui sont généralement applicables. Et en matière de consommation, c’est nettement le rôle de la DGCCRF. C’est malheureusement, ou heureusement car ils sont sans doute plus compétents que nous en la matière, leur métier. C’est eux qui surveillent tous ces dispositifs. Pour terminer sur la situation aberrante, c’est que finalement je clique parce que j’en ai marre et que je veux faire la mise à jour apparemment critique. Je clique et j’approuve les Conditions générales.

C. Martin Saint-Léon : C’est un droit de la consommation en général. Vous allez sur sncf.com ou l’App Store, ce sont les mêmes CGV. C’est la DGCCRF qui, légalement, peut intervenir sur ces sujets-là, quel que soit le e-commerçant.

C. Coppolani : Je crois que vous mettez le doigt sur un sujet sur lequel nous essayons de faire évoluer les choses. Il y a dans la terminologie adoptée dans les premiers articles de la loi de 2010 et la réalité des pouvoirs qui ont été donnés à l’Arjel une sorte de hiatus. On a énoncé un certain nombre de choses et derrière il n’y a pas les pouvoirs qui vont avec qui ont été donnés. Petit à petit on essaie de faire passer des choses. Mais comme vous avez pu le constater, c’est un travail de longue haleine.


Q. : Les modifications de promotions en cours comme vu récemment, c’est toujours du côté DGCCRF ?


C. Coppolani : Oui. Là où nous ne pouvons intervenir, c’est si au travers d’une promotion commerciale, l’opérateur modifiait le jeu pour en faire un jeu interdit, un jeu ne relevant pas de ce qui a été autorisé. En revanche, les promotions commerciales relèvent de la DGCCRF.

C. Martin Saint-Léon : Jusqu’au jour où l’on pourra obtenir la médiation et l’on pourra rentrer plus dans le détail des dossiers.

M.A. Santarelli : il y a aussi l’attitude du consommateur responsable. C’est vrai dans tous les domaines. Il y a une concurrence, est-ce que les consommateurs joueurs ne devraient pas faire pression sur les opérateurs en monnayant leur participation en disant que plus les CGV seront favorables plus ils choisiront cet opérateur ? […] Peut-être ce que peut faire l’Arjel, ce sont des recommandations auprès des opérateurs. Ce qu’il faudrait faire sur ces CGV, c’est faire apparaître à chaque fois les changements.

C. Coppolani : C’est un vœu pieu, mais on peut le faire, oui.

M.A. Santarelli : Parce qu’il y a une Autorité de Régulation, les joueurs en demandent davantage que quand ils vont sur un site de voyages ou un site de réservation où ils ont exactement les mêmes conditions. Le joueur qui joue sur les sites est aussi consommateurs de livres, de voyages. Et les conditions sont exactement les mêmes. Leur exigence particulière sur le poker n’est pas illégitime, mais parce qu’on a une Autorité de Régulation sur ce secteur, il faudrait que l’on aille un peu plus loin que ce que ce même consommateur accepte ailleurs. […] Il est vrai aussi que la loi laisse espérer beaucoup de contrôles, mais n’a pas donné tous les moyens. Cela se fait petit à petit. C’est pour cela que le Président avait demandé une revoyure qui n’avait pas eu lieu. Mais beaucoup de choses était resté en suspens, notamment la médiation dans l’espoir d’une revoyure.

C. Coppolani : Le Sénat se prononce en mai [ndlr : Accepté le 05 mai], ensuite cela revient à l’Assemblée Nationale, sans doute une Commission paritaire s’il y a des désaccords, après le Conseil Constitutionnel sans doute. Pas forcément sur nos sujets, mais sur l’ensemble de la loi. Au mieux c’est en septembre.



Rendez-vous en Septembre donc. Et d’ici là, on suivra avec attention l’évolution de l’affaire Europoker avec le verdict du juge, annoncé pour mi-mai à certains joueurs. On retiendra que le terme important dans les missions que s'est donné l'état en termes de protection, c'est ... "vulnérables", plus que "joueurs".
Contactée dans les jours qui ont suivi, la DGCCRF n'a toujours pas donné suite après avoir demandé le détail des sujets. A suivre ...



soxav


1 Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.