A.R.J.E.L : Acronyme de cinq lettres qui ne fait pas
l’unanimité parmi la communauté française des joueurs de poker. Ou plutôt ... si, qui fait l'unanimité ! Source
d’ironie, de moquerie, de colère et de ressentiment, l’Autorité de Régulation
des Jeux en Ligne se retrouve dans la situation inconfortable entre le
marteau, l’état qui veut de l’argent, et l’enclume, les sites qui veulent
gagner de l’argent. Et accessoirement les joueurs, même si ces derniers n’ont
pas voix au chapitre en raison de l’absence de représentativité réelle auprès
des instances et des opérateurs, à leur incapacité de se fédérer. Il y a bien eu des tentatives en 2010 (sitout Pokerstars,
Winamax) et 2011 (Everest puis Pokerstars), mais marquées au final par des
succès à la Pyrrhus.
Tout démarre par le gouvernement Fillon, en recherche de rentrées fiscales,
qui voit dans les jeux en ligne une bonne opportunité : l’offre illégale est
florissante sur le .com avec des montants loin d’être insignifiants, et si le
PMU n’est que moyennement touché par la concurrence, les paris sportifs à
l’étranger concurrencent un Loto sportif vieillissant, et le poker a le vent en
poupe depuis que Patrick Bruel fait les beaux jours de Canal+. Par l’article 34 de la loi n°2010-476 du 12
Mai 2010 relative à l’ouverture du marché des Jeux en ligne en France, cette
Autorité est créée, seulement quelques jours avant le cloisonnement français.
Outre la définition du cadre de cette ouverture de marché et de ses
caractéristiques techniques, l’ARJEL a pour mission de :
-
délivrer les licences de jeu et de contrôler les
opérateurs légaux
-
surveiller ce marché avec des pouvoirs de
sanction
-
Lutter contre les sites illégaux en
collaboration avec les ministères concernés : Intérieur et Justice.
Les évènements marquants de ces deux premières années d’existence
sur le marché français ont apporté la preuve irréfutable qu’elle prend ces
missions très à cœur.
Le fonctionnement de cette Autorité administrative
indépendante repose sur une cinquantaine d’employés qui accompagnent un collège
de sept membres. Jean-François Vilotte,
Enarque passé par le cabinet du Maire de Paris dans les années 90, directeur de
cabinet du Ministre des Sports de 2002 à 2006, dirige la Fédération Française
de Tennis pendant deux ans avant sa nomination en tant que Président de l’ARJEL
en 2010. A ses côtés, un autre ancien directeur de Fédération Nationale (de
Lutte) et membre du Comité National Olympique du Sport Français, Jean-Michel
Brun, et Alain Moulinier, tous trois choisis à la seule discrétion du Président
de la République. Le Président du Sénat a de son côté opté pour deux
personnalités méconnus du grand public : Jean-Luc Pain du Ministère de
l’Intérieur et Laurent Sorbier de la Cour des Comptes. Pour compléter cette
équipe, le Président de l’Assemblée Nationale a choisi Dominique Laurent, ex
conseillère d’Etat et Directrice des Sports, et Guy Drut, ancien Ministre des
Sports et médaillé olympique du 110m haies en 1976. Ce dernier, démissionnaire, sera remplacé
en 2011 par Jean-Louis Valentin, plus connu pour partir à pied comme il fit à Knysna,
alors Directeur Général délégué du foot français, que pour sa proximité de Jean-Louis Debré
dont il fut le Directeur de Cabinet à l’Assemblée Nationale, et de Philippe
Seguin. Budget de ce petit monde ? Environ 10 millions
d’euros.
Une indépendance et un champ d’actions tous relatifs puisque
seul l’Etat prend les décisions, et que tous les membres ont été nommés par des
personnalités d’un même parti politique. La nouvelle donne avec l’arrivée des
socialistes va rebattre les cartes en 2016, date du renouvellement de ce
collège, mais cela aura-t-il une véritable incidence pour les joueurs ?
Car c’est là que se trouve la vraie difficulté de l’ARJEL : expliquer à un
gouvernement qui ne réfléchit qu’à court terme pourquoi et comment développer
les jeux en lignes en baissant la fiscalité, et dans le même temps, expliquer
aux acteurs du marché que s’ils ne gagnent pas d’argent, c’est de la faute à
leurs dépenses marketing démesurées. Une certaine schizophrénie règne dans les
bureaux de la rue Leblanc à Paris, l’état
ne pouvant baisser ses recettes et les opérateurs devant recruter et fidéliser
les joueurs. Elle sert donc juste de catalyseur du mécontentement de ces
joueurs, sans pour autant être vraiment responsable de l’état actuel de ce
marché.
Constituée de personnalités du Sport, cette Autorité de
Régulation dispose d’une véritable légitimité dans la relation avec les milieux
sportif et hippique français. La présence en son sein de personnalités de
l’Intérieur et de la finance administrative lui confère des liens sur les
aspects policier et financier, sur la partie « lutte contre l’offre
illégale ». En revanche, pour le monde du poker, rien. Dommage quand on sait que c’est ce jeu qui
génère la majeure partie des mises en France.
Espérons que les membres du collège de l’ARJEL ont connu
l’addiction et l’illégalité du poker du temps du .com pour appréhender les
réalités concrètes qui accompagnent ce jeu (économie, fiscalité, marketing, …)
car il leur est désormais trop tard pour se faire une idée. L'Article 5 du Règlement de Déontologie des membres est très clair : « Les membres de la commission s'interdisent d'engager à titre personnel
selon quelques modalités que ce soit des mises sur des jeux ou paris proposés
par les opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne. »
Excellent billet (je nage bien chef, hein ?)
RépondreSupprimerBon article comme d'hab, keep it up.
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