mardi 23 octobre 2012

ARJEL : MODE D'EMPLOI



A.R.J.E.L : Acronyme de cinq lettres qui ne fait pas l’unanimité parmi la communauté française des joueurs de poker. Ou plutôt ... si, qui fait l'unanimité ! Source d’ironie, de moquerie, de colère et de ressentiment, l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne se retrouve dans la situation inconfortable entre le marteau, l’état qui veut de l’argent, et l’enclume, les sites qui veulent gagner de l’argent. Et accessoirement les joueurs, même si ces derniers n’ont pas voix au chapitre en raison de l’absence de représentativité réelle auprès des instances et des opérateurs, à leur incapacité de se fédérer.  Il y a bien eu des tentatives en 2010 (sitout Pokerstars, Winamax) et 2011 (Everest puis Pokerstars), mais marquées au final par des succès à la Pyrrhus.
Tout démarre par  le gouvernement Fillon, en recherche de rentrées fiscales, qui voit dans les jeux en ligne une bonne opportunité : l’offre illégale est florissante sur le .com avec des montants loin d’être insignifiants, et si le PMU n’est que moyennement touché par la concurrence, les paris sportifs à l’étranger concurrencent un Loto sportif vieillissant, et le poker a le vent en poupe depuis que Patrick Bruel fait les beaux jours de Canal+.  Par l’article 34 de la loi n°2010-476 du 12 Mai 2010 relative à l’ouverture du marché des Jeux en ligne en France, cette Autorité est créée, seulement quelques jours avant le cloisonnement français. Outre la définition du cadre de cette ouverture de marché et de ses caractéristiques techniques, l’ARJEL a pour mission de :
-          délivrer les licences de jeu et de contrôler les opérateurs légaux
-          surveiller ce marché avec des pouvoirs de sanction
-          Lutter contre les sites illégaux en collaboration avec les ministères concernés : Intérieur et Justice.
Les évènements marquants de ces deux premières années d’existence sur le marché français ont apporté la preuve irréfutable qu’elle prend ces missions très à cœur.


Le fonctionnement de cette Autorité administrative indépendante repose sur une cinquantaine d’employés qui accompagnent un collège de sept membres.  Jean-François Vilotte, Enarque passé par le cabinet du Maire de Paris dans les années 90, directeur de cabinet du Ministre des Sports de 2002 à 2006, dirige la Fédération Française de Tennis pendant deux ans avant sa nomination en tant que Président de l’ARJEL en 2010. A ses côtés, un autre ancien directeur de Fédération Nationale (de Lutte) et membre du Comité National Olympique du Sport Français, Jean-Michel Brun, et Alain Moulinier, tous trois choisis à la seule discrétion du Président de la République. Le Président du Sénat a de son côté opté pour deux personnalités méconnus du grand public : Jean-Luc Pain du Ministère de l’Intérieur et Laurent Sorbier de la Cour des Comptes. Pour compléter cette équipe, le Président de l’Assemblée Nationale a choisi Dominique Laurent, ex conseillère d’Etat et Directrice des Sports, et Guy Drut, ancien Ministre des Sports et médaillé olympique du 110m haies en 1976. Ce dernier, démissionnaire, sera remplacé en 2011 par Jean-Louis Valentin, plus connu pour partir à pied comme il fit à Knysna, alors Directeur Général délégué du foot français, que pour sa proximité de Jean-Louis Debré dont il fut le Directeur de Cabinet à l’Assemblée Nationale, et de Philippe Seguin. Budget de ce petit monde ? Environ 10 millions d’euros.
Une indépendance et un champ d’actions tous relatifs puisque seul l’Etat prend les décisions, et que tous les membres ont été nommés par des personnalités d’un même parti politique. La nouvelle donne avec l’arrivée des socialistes va rebattre les cartes en 2016, date du renouvellement de ce collège, mais cela aura-t-il une véritable incidence pour les joueurs ? Car c’est là que se trouve la vraie difficulté de l’ARJEL : expliquer à un gouvernement qui ne réfléchit qu’à court terme pourquoi et comment développer les jeux en lignes en baissant la fiscalité, et dans le même temps, expliquer aux acteurs du marché que s’ils ne gagnent pas d’argent, c’est de la faute à leurs dépenses marketing démesurées. Une certaine schizophrénie règne dans les bureaux de la rue Leblanc à  Paris, l’état ne pouvant baisser ses recettes et les opérateurs devant recruter et fidéliser les joueurs. Elle sert donc juste de catalyseur du mécontentement de ces joueurs, sans pour autant être vraiment responsable de l’état actuel de ce marché.
Constituée de personnalités du Sport, cette Autorité de Régulation dispose d’une véritable légitimité dans la relation avec les milieux sportif et hippique français. La présence en son sein de personnalités de l’Intérieur et de la finance administrative lui confère des liens sur les aspects policier et financier, sur la partie « lutte contre l’offre illégale ». En revanche, pour le monde du poker, rien.  Dommage quand on sait que c’est ce jeu qui génère la majeure partie des mises en France.


Espérons que les membres du collège de l’ARJEL ont connu l’addiction et l’illégalité du poker du temps du .com pour appréhender les réalités concrètes qui accompagnent ce jeu (économie, fiscalité, marketing, …) car il leur est désormais trop tard pour se faire une idée. L'Article 5 du Règlement de Déontologie des membres est très clair : « Les membres de la commission s'interdisent d'engager à titre personnel selon quelques modalités que ce soit des mises sur des jeux ou paris proposés par les opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne. »
Alors pendant ce temps, à l’ARJEL, on veille, on sécurise, on vérifie …
soxav





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