A quelques jours de la disparition de la room Partouche du
paysage poker online français, son président Fabrice Paire, a expliqué l’échec de son
entreprise sur le marché français par des sites ayant « opéré illégalement
pendant des années depuis des bases étrangères », leur permettant de se
constituer de fait « une cagnotte de guerre et d’écraser le marché »[1].
Il y a trois ans, les opérateurs dénoncés dans ses propos obtenaient une
licence de l’Arjel, forts d’une stratégie effectivement fomentée depuis plusieurs années sur
le recrutement et la fidélisation de joueurs les plus actifs, les regs. Trois
ans plus tard, force est de constater qu’ils ne sont plus le nerf de la guerre.
Place aux joueurs récréatifs !
Retour en arrière. Début de l’été 2010, le marché des jeux
en ligne s’ouvre. Ou plutôt … se ferme sur le marché hexagonal. A
l’occasion de la Coupe du Monde de Football, le gouvernement a mis les bouchées
doubles, quitte à bâcler sa copie pour faire plaisir aux acteurs du marché et
aux joueurs impatients de miser légalement. Dans les rangs des opérateurs de
poker, cet amateurisme n’est pas de mise, cette ouverture est anticipée depuis
des mois, voire des années. Leader mondial incontesté, Pokerstars base sa
stratégie sur sa réputation sans faille, son logiciel souvent plébiscité et
surtout un système de fidélité boosté jusqu’à plus de 40% de rakeback. Cible
privilégiée : les joueurs réguliers qui génèrent du revenu bien sûr mais
surtout engendre la liquidité qui attire de nouveaux joueurs. La room ne
participe pas à la course au bonus de dépôt, limité à 500€, la campagne de
communication grand public est restreinte aux chaînes de la TNT, moins chères.
Son arme de recrutement massif, c’est son image et sa base client.
Opérateur franco-français, Winamax a construit sa stratégie
depuis plus de trois ans en vue de ce Graal. Patrick Bruel a mis toute son
image dans la bataille, la communauté Wampoker, face visible de l’iceberg
durant la « prohibition .com», draine les foules en filigrane des
émissions WPT sur Canal+. Pour l’entreprise, le lancement du marché français
est vital. En cas d’échec ou de stratégie mal adaptée, il n’y aura pas de
re-entry, pas de marchés annexes pour remonter un stack. Plusieurs semaines
avant l’ouverture du marché cloisonné, les joueurs de la room peuvent se
familiariser avec le logiciel développé par la room à coups de Wams, monnaie
virtuelle échangeable en euros réels à l’ouverture du marché. Le système de
fidélité est alléchant mais inférieur à son concurrent de pique, alors le bonus
de premier dépôt est dopé à 1000€ pour compenser, avec une vitesse de clearance
qui sera réduite de moitié à peine six mois plus tard, une fois que les joueurs
ciblés, les fameux regs, auront été captés.
A quelques semaines du marché en .fr, l’état tranchait en
faveur des sirènes des lobbies français (PMU, Barrière, Partouche) et imposait
la fermeture de tous les comptes pour réouverture sous le format .fr. Pas avare en moyens, tous les joueurs clients
chez Winamax se voyaient proposer un bonus cash immédiat, sans aucune notion de
volume, de 10% du transfert du compte joueur « .com » au compte
joueur « .fr » … Imparable, au grand dam d’Alexis Laipsker, directeur
de la communication de Pokerstars, interrogé à l’époque sur la récupération de ses joueurs : « La procédure
imposée par la loi est très contraignante […]. Cela a été un énorme gâchis, nous avons eu du
mal à récupérer une partie de abonnés, notamment parce que nous respectons à la
lettre les règles, ce qui n'est pas le cas de certains de nos concurrents. »[2]
Face à ce dumping acharné, les autres rooms ont tenté de
tirer leur épingle du jeu. En vain. Leur seul axe de communication, à base de
publicité et d’ambassadeurs VIP, se heurtent aux deux mastodontes, Pokerstars
se lançant d’urgence dans la bagarre de la publicité avec les spots devenus
fameux de Gaël Monfils et Sébastien Chabal à la rentrée de septembre 2010.
Seuls Everest et PMU Poker surnagent un peu, grâce à son historique en .com
pour le premier, et un fichier client hippique conséquent appuyé par un
matraquage publicitaire d’envergure pour le second. A l’inverse, Barrière se
lance tardivement et n’arrive pas à capitaliser sur le partenariat avec La
Française des Jeux et ses millions de joueurs de loto, Full Tilt Poker ne
refera jamais son retard suite à un allumage tardif. Enfin, les autres rooms
d’ipoker, Ongame et MicroGaming vivront pour mourir à petit feu, ne parvenant
jamais à attirer les joueurs réguliers pour atteindre la taille critique en nombre
de tables de Cash Game qui tournent. Plusieurs n’arriveront même pas à attirer
les joueurs … tout court.
Changement de cap amorcé en 2012, la concentration du marché
s’est accélérée avec de nombreuses fermetures, la croissance à deux chiffres
des premiers mois a laissé place à la morosité d’un Cash Game en berne depuis
plus d’un an et une offre tournoi qui commence également à s’essouffler. La
moitié des comptes joueurs engage moins de 10€ par mois (source : Arjel) et les regs s’inquiètent d’un fisc à l’odeur
de l’argent alléché. Premier événement qui marque ce changement : Dans les
derniers jours de 2011, Pokerstars tentait de faire passer en douce une
diminution de son système de fidélité, prétextant une revoyure non revue. On
imagine la déception et l’étonnement des dirigeants d’une entreprise
internationale, leaders sur tous ses marchés, en apprenant qu’un gouvernement
ne tient pas ses promesses ! La mobilisation des joueurs via Club poker limitera la casse à la marge, mais l’information importante est là : la
marge de négociation des premiers jours (sit-in pour la règle du No Flop No
Drop) n’est plus qu’un doux souvenir.
En fin d’année dernière, la room de pique présentait la
nouvelle version de son logiciel, mettant en avant la simplicité et l’accessibilité
dans le but d’améliorer l’expérience de jeu du joueur novice en particulier. En
face, Winamax a développé une machine à joueurs récréatifs avec son très réussi
Winamax Poker Tour : des freerolls sur le logiciel pour des freerolls en
région et une grande finale au Cercle Clichy Montmartre aux nombreuses
retombées médiatiques.
2013 marque sans conteste l’accélération du phénomène. Les
rooms réorientent leur stratégie basée sur cette évidence : le joueur régulier de
poker jouent en .fr, continuent et
continuera même si ses conditions de jeu se dégradent. Déjà
captif sur les principales plateformes, c'est une vache à lait qui n'a plus besoin d’autant
d’attention, et il ne sait pas profiter de la concurrence, à la différence de
quelques avertis qui, eux, trouvent des moyens d’optimiser leur jeu.
Le nouvel Eldorado pour les opérateurs, c’est « le joueur récréatif ».
Le nouvel Eldorado pour les opérateurs, c’est « le joueur récréatif ».
soxav
Très intéressant, bien écrit
RépondreSupprimerDu grd Sox, merci de nous ouvrir les yeux.
Une fois qu'il ne restera que 2-3 rooms, que les Regs auront leurs 3 comptes. N'y a t'il pas un risque d’écœurer les récréatifs? qui aura la sensation d'être assailli par les regs dès qu'il sit?
Avec un écosystème qui se reduit (concentration des rooms, n'est ce pas à terme la fin du poker?
Lio5484
Je n'ai pas l'impression que les regs écoeurent les joueurs récréatifs à partir du moment où ils les respectent en comprenant qu'ils sont leur gagne pain. Le joueur récréatif qui aime jouer ne regarde pas forcément la manière dont il perd son pognon et ne remet pas forcément en cause ses compétences. Il rêve juste du one time en mtt et vient assouvir son désir de faire bouger les jetons en sng et cg.
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