mardi 18 juin 2013

L'HEURE DE LA RECRE : Partie II


Les rooms réorientent leur stratégie basée sur cette évidence : le joueur régulier de poker jouent en .fr,  continuent et continuera même si ses conditions de jeu se dégradent. Déjà captif sur les principales plateformes, c'est une vache à lait qui n'a plus besoin d’autant d’attention, et il ne sait pas profiter de la concurrence, à la différence de quelques avertis qui, eux, trouvent des moyens d’optimiser leur jeu. Le nouvel Eldorado pour les opérateurs, c’est « le joueur récréatif », terme sans connotation péjorative, désignant les joueurs occasionnels, débutants, amateurs de freeroll, ceux qui ne jouent pas encore, ceux qui ne jouent plus, qui jouent de loin en loin.
Depuis le mois d’avril, le réseau iPoker (Everest, Betclic, Turbopoker et récemment Unibet), propose ainsi à ses joueurs le choix entre des tables classiques et des tables anonymes, rendant l’utilisation des trackers impossible. L’objectif est de préserver le joueur récréatif en lui donnant plus de chances d’une expérience de jeu prolongée. Entendez par-là que les 32€ de dépôt moyen par compte joueur (source : Arjel) sont priés de générer un maximum de rake, pas de disparaître dans l’escarcelle d’un reg qui l’aurait détroussé en quelques mains de Cash Game. Comprenez également que c’est une bonne façon pour les rooms de limiter l’impact financier du ‘No flop No drop’, le joueur récréatif jouant pour voir des flops. Cette mesure sonne comme un premier pas dans une classification des joueurs par niveau et mode de jeu. Party Poker teste déjà sur sa plateforme internationale une segmentation permettant aux joueurs récréatifs de jouer entre eux sur des tables que le lobby des joueurs réguliers ne laissent pas apparaître. « Nous cherchons constamment des moyens d'équilibrer l'écosystème de notre room. Nos recherches ont permis de démontrer que les joueurs inexpérimentés jouaient plus et plus longtemps s'ils débutaient face à des joueurs d'un même niveau », confirmait un responsable de l’opérateur, amateur de lapalissade, sur 2+2 en début d’année.

Côté marketing, les idées aussi vont de plus en plus en ce sens. Le lancement de Guns & Glory a soulevé dès son lancement  des interrogations sur l’utilité d’une promotion poker sans argent à la clef. En misant sur l’aspect communautaire, le succès est immédiat auprès des joueurs « loisirs » cherchant à posséder des avatars aussi inutiles que la promotion se révèle efficace. Dans la foulée, la plateforme PartyGaming lance « Domination Mondiale », une banale rake race qui ne dit pas son nom : des villes sont à gagner, des continents à conquérir, des villes spéciales pour des freerolls et des prix immédiats en cash. La promotion parfaite pour le joueur récréatif, à mi-chemin entre le poker et le Risk. Pokerstars préfère la simplicité et l’efficacité d’une série de tournoi. Lancée au début de l’été 2012, les Micro Series s’adressent aux plus petites bankrolls en affichant des prizepools dignes des plus grands tournois (700.000€ pour la troisième édition du 30 Juin au 09 Juillet 2013), pas moins de cinquante tournois au programme dans toutes les variantes, et même un Main Event doté d’une garantie de 100.000€, qui se jouera comme par hasard le weekend de lancement du Main Event des WSOP à Las Vegas (07-16 Juillet 2013). Bien vu !
Les tournois ne sont pas épargnés. Les opérateurs combattent les overlays en rabotant les prizepools garantis, quitte à y laisser leur grille complète, comme iPoker première génération (Titan, Chilipoker) ou Partouche. Derniers exemples en date, Barrière Poker communique le lancement de nouveaux tournois, et revoit en même temps l’ensemble de sa grille à la baisse en catimini. Winamax dope son Main Event à 200K€, … et le Select passe incognito de 10K€ à 8K€.
La room W va désormais plus loin. Ce même Main Event, événement majeur par définition, se retrouve depuis un mois bradé à 50€ tous les dimanches soir, entre un Deep Run une heure plus tôt et un Top 50 une demi-heure plus tard pour le même prix. Les réguliers s’interrogent, on les rassure en arguant d’un prizepool garanti inchangé. Quand Erwann ‘IorDy’ Pecheux pose la question d’un retour au Buyin classique à 150€ en direct lors de l’émission radio où il est invité, surprise du côté des animateurs qui bafouillent que la durée n’est pas encore validée et passent rapidement à autre chose. La rentabilité immédiate est bien entendu un facteur important, car désormais les joueurs récréatifs vont pouvoir participer au plus grand tournoi de la room avec son Buyin du pauvre. Grand succès les trois premières semaines jusqu’au bouillon du 02 Juin et les 35.000€ d’overlay sur l’event à 200K€ garantis. Pokerstars ne laisse bien sûr pas son concurrent direct s’engouffrer seul dans la brèche et lance, sous couvert de troisième anniversaire, une promotion sur le Sunday Special à Buyin dégressif quatre semaines de rang. Après plusieurs semaines d’overlay, le tournoi couvre enfin à nouveau la garantie (portée par pur hasard à 200K€ comme le Main Event ce soir-là) avec cette promotion  … à 1% près seulement. L’occasion de venir jouer avec les pros était trop belle.

Plus proche de nous, la promotion Trilogy se décline en trois versions de 1€, 3€ et 10€ pour 150.000 €. Il y a six mois, cette garantie était celle de la seule version « High », à l'époque à 30€. Le bug qu'a connu le tournoi est donc encore plus dramatique dans ce contexte, avec des joueurs inondant les forums de leur ressentiment sur cette erreur, tout autant que la gestion de celle-ci, la plupart des joueurs réguliers passant, eux, immédiatement à autre chose. La mise en place d’un freeroll calmera les esprits récréatifs et portera le coût final de l’opération à près de 30.000€ pour l’opérateur. On ne lésine pas sur les moyens pour cette population de joueurs, même si l’investissement n’est pas le garant de la réussite. Barrière Poker devrait en apporter un cruel exemple dans quelques jours d’après Les Echos (13 Juin 2013). Il y a tout juste un an LB Poker annonçait 45 millions d’euros de pertes pour un CA de 4 millions d’euros. Douze mois plus tard, sa situation n'a pas évolué significativement, un nouveau partenaire serait le bienvenu, l'opérateur serait en train d'annoncer des coupes budgétaires drastiques et aurait décidé de mettre fin à bon nombre de partenariat d'affiliation. Après Partouche, le tour de Barrière est-il venu de jeter l'éponge ? 

Recruter de nouveaux joueurs n'est pourtant pas chose impossible. Dans le même temps, Bank of Poker, chantre du poker gratuit, vient d'annoncer 106.000 clients et affiche des ambitions internationales après une levée de fonds dans laquelle on retrouve les noms des fondateurs de Free, venteprivée.com et Allociné notamment. Excusez du peu !

Il ne manquerait plus que les opérateurs, prêts à tout pour remplir leurs tables,  se mettent désormais à courtiser les regs étrangers pour que la coupe des regs français soit pleine !


soxav

4 commentaires: