Décidément, les casinotiers sont récemment passé maître dans l’art de l’incapacité de faire tourner un business de jeux en ligne. Dans cette course du poker online, le marché a tout connu, de l’opérateur qui se positionne sur la grille de départ mais ne démarre jamais (Groupe Tranchant), au groupe familial qui se voit trop beau pour se donner la peine de réfléchir à une stratégie de course digne de ce nom (Groupe Partouche), en passant par l’agrément de la petite écurie individuelle (poker 83, casino de Cavalaire et de Noirétable, tellement nostalgique que le site propose encore aujourd'hui la rubrique « Jouez en ligne ») ou collective (200% poker, propriété de la SFJI qui compte vingt actionnaires propriétaires d’une quarantaine de casinos). Leur point commun : la chute. Barrière Poker est le dernier groupe historique de jeux en ligne français encore en course. La chute n’est vraisemblablement plus qu’une question de jours.
Créé en mai 2010, LB Poker est né de l’association
de Groupe Lucien Barrière et du Groupe Française des Jeux. Deux mois plus tard,
le 26 Juillet 2010, l’ARJEL lui délivre son agrément pour les jeux en cercle,
prélude obligatoire à son lancement dès le mois de septembre, avec des
objectifs et des ambitions d’une banalité affligeante. « Notre objectif
est [de faire partie] du trio de tête. On a l’ambition de devenir un des grands
acteurs du marché », confiait Jean-Etienne Bouedec, Directeur général
adjoint de l’opérateur, au JDD quelques mois plus tard.
Pourtant, en démarrant ‘from scratch’, la room a pris un
sérieux pari : développer son propre logiciel, sans historique du poker en
ligne ni réputation, sans l’appui de communautés, en basant la société en
France (dans le 15e arrondissement à Paris). Et pour ne mettre aucun
atout de son côté, la room apparaît sur le marché trois mois après ses
principaux concurrents. Les dirigeants vont plus loin que le sempiternel
« faire du poker différemment » de leurs désormais défunts homologues
et se donnent les moyens de leur ambition, à savoir devenir l’alternative crédible aux
deux leaders, une sorte de Winastars, en empruntant les recettes qui ont fait
leur succès, avec un triptyque Logiciel / Communauté / Offre.
Les débuts de l’opérateur se transforment immédiatement en
cauchemar. Barrière Poker n’a pas repris le logiciel en 3D lecroupier.com,
site lancé en 2009 au Royaume-Uni et qui prévoyait même à l’époque une version
Smartphone pour la fin d’année ( !), mais la nouvelle version développée se révèle
être une catastrophe et les joueurs se défoulent sur les communautés que la
room espérait pénétrer dans des conditions plus positives. Bugs à répétition,
boards à huit cartes, les mises à jour sont hebdomadaires, les critiques
quotidiennes. Il faudra quasiment
dix-huit mois pour que la room trouve enfin un software digne de ce nom avec la
sortie de la version V4 en mars 2012, puis de la version V5 deux mois plus tard, accompagnée de l’éphémère « My Poker Manager ». Le soft est enfin en place et trouve ses
joueurs. C’est à cette époque que Barrière apparaît également sur le tracking
de pokerscout.com, se positionnant alors à hauteur de Partouche, avec un trafic
moitié moindre qu’Ongame alors que le groupe annonce dans le même temps des pertes de
29.8 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 3,3M d’euros lors de
l’exercice 2011-2012 (vs 14.3M€ de pertes et un CA de 0.5M€ pour 2010-2011. « Nous
sommes au tout début d’un investissement sur un projet industriel. Nous allons
pouvoir monter en puissance sur le plan commercial et innover dans le
produit, » déclarait alors Xavier Etienne, Président de LB Poker,
au journal Les Echos. Début 2013, la version Smartphone et iPad
voyait le jour avec, là aussi, un certain succès d’estime de la part des
utilisateurs.
Deuxième axe de conquête, l’opérateur lorgne du côté des
communautés. Très présent sur les principaux forums, il se positionne également
auprès de nombreux petits acteurs du marché avec une offre d’affiliation
conquérante annonçant jusqu’à 40% enRevenue Share. La room trouve ainsi rapidement un écho chez les plus gros
acteurs de ce marché, que l'on imagine aisément avoir négocié des deals encore plus importants: classée 3e pour Clubpoker et Poker
Académie, Barrière Poker est même répertoriée en deuxième position sur
Pokerstrategy. A cela s’ajoutent tous les sites de mots de passe pour freeroll,
de pseudo informations et d’actualités poker qui se présentent. Des community
Managers et des conseillers clientèle s’y partagent l’animation et surtout la gestion
des demandes clients et autres clients. Dans le même temps, le blog Barrière est chargé de
relayer les actualités de la room et de sa Team Pro. Mais n’est pas Winamax qui veut et on est loin de l’approche communautaire mise
en place en six années de Wam Poker.
C’est d’ailleurs le même constat avec les ambassadeurs. Lors du lancement, les membres recrutés au sein de la Team Pro
laissent perplexes. Peu connus dans le milieu poker ou du grand public, voire
les deux, le recrutement ressemble à
celui du Team Winamax … quatre ans plus tôt : des anciens de téléréalité
poker pour faire un peu people, des joueurs de cercle, sans oublier la référence Clubpoker (Pierre
Canali), qui n’est pas sans rappeler un certain manuB. Roger Hairabedian intégrera l'équipe quelques mois plus tard. Problème, le marché est déjà
dessiné, ces joueurs sont inconnus d’un grand public bien plus avide de Patrick
Bruel ou Sébastien Chabal. Côté people, il faudra attendre 2012 et l’arrivée d’Estelle
Denis, mais là encore l’aura de la présentatrice pour attirer les foules sur
Barrière Poker reste toujours aujourd’hui à démontrer, surtout utilisée pour un
maigre tournoi Bounty hebdomadaire à cinq euros avec des pigistes people qui
tournent au gré des offres des rooms (Pascal Sellem, Valérie Damidot, …). Sans
compter qu’au même moment la concurrence se lance dans les émissions radios ou
web télé, et joue continuellement de l’image et du nombre de ses tête d’affiches :
Tournois bounties à répétition, challenges autour des joueurs pros, documentaires, reportages diffusées
en télévision, …
soxav
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