Le 28 Octobre 2015, L'Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL) organisait un colloque : "2010-2015-2020 : La régulation des jeux d'argent en France". Parmi les intervenants de la dernière table ronde sur les perspectives, Alexandre Roos, Président et fondateur de Winamax. Vous n'étiez pas disponible ? Séance de rattrapage avec la
retranscription complète de son intervention ce jour-là, en réponse à la question :
"Pour
un opérateur français du marché agréé des jeux en ligne, quels sont les
principaux enjeux économiques à venir et quelles seraient l’évolution nécessaire
à la régulation en France ?"
Alexandre Roos - "Même question, interlocuteur différent. Bonjour. Winamax,
nous sommes un pure player d’internet. On fait partie de ces trente-cinq
nouveaux opérateurs qui sont entrés sur le marché depuis 2010. Trente-cinq, …
Je crois qu’il en reste quinze aujourd’hui, dix-sept avec la Française des Jeux
et le PMU. Donc on fait partie de ces petits nouveaux, on est une boîte
franco-française, basée à Paris. On est à 100m d’ici, nous sommes vraiment
voisins. On a opéré depuis 2010 dans le poker en ligne uniquement et assez
récemment, depuis un an et demi maintenant, nous faisons des paris sportifs également. Je connais assez
bien le monde du poker en ligne, et je suis un peu, on va dire, débutant dans
le monde du pari sportif, mais on essaye d’apprendre.
Mon regard sur la loi et le contexte français, ça va sembler bizarre
pour beaucoup de gens, mais c’est très positif.
J’ai une impression que le travail qui a été fait pour cette régulation
du marché des jeux en ligne a été bien fait. Alors, pas parfaitement, mais le moment
était bien fait. Les principaux enjeux, tout ce qui est protection du joueur, a
été plutôt bien réussi, on en parlait depuis ce matin, même si sur ce sujet-là,
il était à peu près naturel de s’exprimer. En tout cas, on n’a pas vu
d’explosion des pathologies liées aux jeux d’argent. Je pense que ça vient à la
fois du cadre législatif mais aussi du sérieux des différents opérateurs qui
travaillent sur ce marché. On parlait ce matin de l’éthique et du
sérieux des gens du Nord : moi, je
suis Alsacien, je ne sais pas si je suis aussi respectable que les gens du Nord, mais
on essaie de travailler dans notre métier et de protéger autant que faire se
peut les consommateurs, et comme disaient les gens de la Française des Jeux, plutôt
de viser un public assez large qui va jouer de manière plus communautaire et
plus récréative aux jeux, plutôt que de "targeter" tel ou tel gros
joueur à qui on va essayer de tout prendre. Au poker, il faut bien voir le
truc : le joueur de poker ne joue pas contre le site, il joue contre
d’autres joueurs. Cela n’a donc surtout pas d’intérêt de lui faire perdre sa
cave, que le joueur perde trop vite … C’est également éthique par nature sauf
erreur. Donc je reviens à cette loi, qui sur le point de vue de la protection
du joueur a été à mon sens bien … Le travail a été bien fait.
Du point de vue
intégrité du jeu, je pense qu’il n’y a pas d’équivalent dans le monde, et
là-dessus le boulot des équipes de l’Arjel en termes de contrôle des logiciels,
de la sécurité etc. est exemplaire. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de
problème. Les gens du Club des Clubs intervenaient sur les problèmes de
collusion, etc. On ne nie pas les problèmes qu’il peut y avoir, mais en tout
cas, tout le monde travaille dans le même sens qui est pour préserver cette
intégrité du jeu et faire en sorte que le joueur joue dans un cadre le plus
strict, le plus réglo possible. D’autre questions qui ont leur importance,
c’est que les avoirs et la question de la sécurisation des avoirs des joueurs,
on a eu quelques couacs l’an passé, qui ont permis d’apprendre aussi, la
fiducie etc … qui font qu’un joueur à priori ne peut plus se retrouver sans son
argent demain dans le marché français. Donc de ce point de vue-là, très
positif
D’un point de vue lutte contre l’offre illégale, me
concernant, j’ai l’impression qu’il y a très très peu d’offre illégale
aujourd’hui pour les secteurs qui ont été vraiment régulés. C’est-à-dire, dans
le cadre du poker à proprement parler, il n’y a quasiment plus aucun joueur
selon moi qui joue sur des sites illégaux. Ceci est un peu à nuancer : il
y a eu pas mal de gros joueurs qui sont allés déménager à l’étranger pour jouer
de l’étranger, mais là on parle de raisons fiscales, ce n’est pas une question
d’attractivité de l’offre, mais des raisons purement fiscales. C’est-à-dire que
c’est plus facile pour un joueur qui gagne sa vie en jouant au poker d’aller
habiter à Londres et de ne rien payer sur ses revenus de poker que de
travailler en France et d’être assimilé à un travailleur, à un régime BNC et
payer 50% de son revenu. Donc beaucoup de gros joueurs sont partis à l’étranger
mais, je vous le dis, pas pour des raisons d’attractivité de l’offre,
uniquement pour des raisons fiscales. Et aujourd’hui peut-être, il reste
quelques centaines de joueurs qui peuvent aller jouer sur des sites illégaux,
volontairement, en passant par des VPN, mais ça reste quelques centaines de
joueurs. Donc je pense que l’offre illégale a été bien circonscrite.
Idem pour
les paris sportifs. Par contre, et j’y reviendrais un peu plus tard, il y a
énormément d’autres secteurs du jeu qui se sont développés, qui ne sont pas
régulés en France. Jeux auxquels le joueur français ne peut pas avoir accès, et
donc ce joueur est obligé de se retourner vers l’offre illégale pour y accéder.
Je pense que c’est un des points importants, c’est que quand on régule, même
s’il y a une taxation qui est forte et si les joueurs peuvent moins gagner, le
joueur préfère être dans ce cadre régulé. Il va joueur de bon cœur sur le site
français. Par contre si on oublie de réguler la moitié du marché, et c’est un
peu ce qui se passe aujourd’hui où on a de plus en plus de jeux qui intéressent
les joueurs et qui sont hors de ce cadre régulé, là l’offre illégale se
développe, bien évidemment.
Juste rappeler, Gaëtan Gorce ce matin rappelait un de ses
souhaits cher au début de cette loi était de protéger la Française des Jeux et
PMU, je crois qu’ils ont été bien protégés, puisque aujourd’hui le marché du
jeu en ligne, les quinze opérateurs hors FdJ/PMU doivent faire un PBJ de
l’ordre de 400 à 500 millions d’euros si je ne m’abuse. Donc tous ensemble, on
fait 400 à 500 millions d’euros et ils font chacun dix fois plus. Donc ils ont
été bien protégés comme je vous disais par cette loi, personne n’a trop marché
sur leurs plates-bandes. Donc tout le monde est content de ce point de vue-là. Ça,
c’est un peu pour l’analyse aujourd’hui : globalement plutôt satisfait
pour toutes les raisons que je viens d’exprimer.
Mais par contre, il y a évidemment des points que l’on
pourrait améliorer selon moi, que je vais essayer de passer en revue.
Premier point qui est le premier détail qui fait peur à tout
le monde, qui est l’assiette de taxation. Vous le savez, aujourd’hui en
France, on taxe sur les mises. Tout le monde,
les opérateurs, les joueurs réclament une taxation sur le PBJ. Ça fait peur au
gouvernement parce qu’on se dit « Si on change l’assiette, est-ce
qu’on gagnera la même chose ? ». C’est sûr que ce n’est pas évident.
Il faut vraiment faire le calcul. Le point de vue qui est le mien, c’est que
cette taxation sur les mises qui a lieu aujourd’hui en France n’est pas bonne
parce qu’elle nous empêche d’offrir aux joueurs un certain nombre de jeux
qu’ils aiment bien pratiquer. Je parle au poker, tout ce qui est web jeux à un
petit nombre de joueurs, de Heads Up quand on joue l’un contre l’autre. Ce type
de jeu, cela a été évoqué ce matin, la taxation sur les mises fait qu’il est
impossible de jouer parce que les joueurs perdent trop vite leur argent.
De
même en pari sportif, il y a toute une panoplie de jeux qui pourraient être proposés, notamment en pari mutuel sur
des petits pôles de joueurs, qu’on ne peut pas proposer aujourd’hui parce qu’on
taxe trop le joueur et qu’il n'aurait pas un retour suffisamment intéressant.
Alors tout le monde évoque toujours l’argument, enfin ceux qui défendent ces
problèmes de taxation évoquent toujours des arguments « oui, il ne faut
pas rétrocéder trop aux joueurs », c’est d’ailleurs très lié au problème
du TRJ, Taux de Retour aux Joueurs, qui en France est plafonné - donc là on ne
parle plus de poker, on parle de paris sportifs – à 85%. On dit « On fait
ça pour lutter contre l’addiction, on fait ça pour lutter contre le blanchiment
d’argent ». C’est bidon tout ça : On fait ça pour préserver les
recettes de gens qui ont envie de préserver leurs recettes. Mais
fondamentalement, on ne va pas lutter plus contre l’addiction, le blanchiment
d’argent parce qu’on va rétrocéder 90% aux joueurs. Quand vous regardez les
machines à sous dans les casinos, c’est tout l’inverse. Là, on dit aux
casinotiers, il faut rendre suffisamment d’argent aux joueurs, il ne faut pas
trop leur prendre. Et là, le jeu en ligne, c’est l’inverse : il ne faut
pas trop leur rendre. Alors qu’il y a les mêmes problèmes de santé publique,
d’addiction. Donc il y a des faux arguments qui sont mis en exergue, et qui, à
mon sens, ne sont pas les bons.
Mais, outre ces points que l’on pourrait améliorer dans la
loi, qui est ce changement d’assiette, qui est d’éventuellement supprimer cette
notion de taux de retour aux joueurs maximal, il y a un point important qui est
le point de l’ouverture des liquidités, qui a été évoqué plusieurs fois et
c’est vrai que cela va faire plaisir à beaucoup de joueurs de pouvoir jouer
dans un field plus étendu. Il y a des faux sentiments là-dedans : beaucoup
de joueurs qui pensent que, dans le débat qui a lieu aujourd’hui entre
l’Italie, l’Espagne et la France, trois pays qui sont ici bien représentés,
tout le monde a l’impression que les autres pays sont plus faibles : le
Français a l’impression que les Italiens et les Espagnols sont mauvais au
poker, l’italien a la même impression, etc. … C’est formidable, si on les met
tous ensemble, ça va effectivement
donner un gros coup de jeune au poker. Parce que tout le monde va se dire
« ah, j’ai enfin du poisson qui arrive, je vais pouvoir me régaler ».
Je pense que, passé les quelques mois d’excitation initiale, on se rendra
compte que les Italiens sont tout aussi forts que les Français et pour peu que
la législation ouvre plus tard aux pays Nordiques, on se dira «Oh là là, y a
les Suédois qui arrivent, c’est pas bon ! ». Mais en tout cas, cela
fera plaisir à tout le monde de pouvoir se mesurer à un field un peu plus dense
et d’aller se battre contre d’autres pays d’Europe. Je pense que c’est une
évolution bien sûr que l’on souhaite, qui est nécessaire même si elle est
évidemment complexe à mettre en œuvre puisque que le monde a beaucoup
d’acteurs, beaucoup de pays à mettre en coordination.
Mais je voudrais finir sur ce qui est selon moi le plus
important dans un souhait d’évolution de la législation. Le plus important,
c’est un truc tout bête : on aurait besoin que les choses aillent plus
vite. Comment vous expliquer ça ? On est dans un domaine qui est le
domaine de l’internet. On ne parle que de jeux aujourd’hui dans le sens
gambling. Ce n’est pas tant cela, en tout cas du point de vue de l’opérateur.
On est surtout dans le monde de l’internet qui va très très vite, une
concurrence qui est phénoménale de la part d’autres jeux. Des jeux, on a cité
le egaming tout à l’heure, mais moi, Winamax, mon principal concurrent, limite
c’est Heartstone, ce n’est pas le PMU. C’est d’autres jeux auxquels les gens
ont envie de jouer en ligne parce qu’ils sont beaucoup plus attrayants, plus
riches. Des jeux qui changent tous les six mois, avec des nouveaux paquets de
cartes qui arrivent, plein de nouvelles choses … Et en France dans le poker,
malheureusement, les pouvoirs de l’Arjel ont certainement été trop restreints dans
la loi de 2010, qui fait que rien n’a changé. On est cinq ans après, la clause
de revoyure n’a pas eu lieu, personne n’a envie de se revoir. Mais en tout cas,
cinq ans après rien n’a changé, pas d’un iota. Y a pas eu une variante de plus,
même pas un petit peu d’Omaha machin, des variantes qui vraisemblablement ne
changent rien au jeu, qui ne doperaient pas les revenus. Il n’y a rien eu de
tout ça.
Pareil, la loi prévoit des jeux de cercle, elle ne prévoit pas
forcément que du poker. Jeux de cercle en France, on a des conditions de
belote, de tarot, on aurait bien aimé voir ces choses-là et beaucoup de joueurs
sont demandeurs. Alors je ne dis pas que l’avenir vient de la belote et du
tarot, mais ça ferait partie de ces choses qui feraient plaisir aux consommateurs.
Aujourd’hui beaucoup de gens en ligne jouent à la belote ou au tarot mais
où ? Sur des sites illégaux. Il y en a plein partout : sur Google,
vous tapez « belote », y a vingt sites payants. Et cela rentrerait
clairement dans le cadre de la loi de 2010. Mais comme l’Arjel n’a pas ce
pouvoir aujourd’hui d’autoriser elle-même de nouveaux types de jeux, rien n’a
changé. Je pense que c’est le plus préjudiciable à notre secteur, il faudrait
que cela puisse changer beaucoup plus vite. D’ailleurs vous noterez que sur ce
qui est des paris sportifs, les pouvoirs de l’Arjel sont beaucoup plus étendus.
En gros, vous vous mettez d’accord pour vérifier que tel ou tel type de paris
ou de compétition sont OK et ne présentent pas de risques et cela va assez
vite. En deux ou trois mois, l’offre peut s’élargir. En poker, rien du tout. Je
pense que cela serait le principal point à changer, plus la fiscalité dans les
années à venir."
soxav
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