dimanche 15 novembre 2015

COLLOQUE ARJEL : Xavier HURSTEL, PDG PMU

Le 28 Octobre 2015, L'Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL) organisait un colloque : "2010-2015-2020 : La régulation des jeux d'argent en France". Parmi les intervenants de la dernière table ronde sur les perspectives, Xavier Hürstel fêtait l'anniversaire de sa nomination un an plus tôt au poste de Président Directeur Général du PMU, dont il en était auparavant le Directeur Délégué Adjoint depuis 2008. Vous n'étiez pas disponible ? Séance de rattrapage avec la retranscription complète de son intervention ce jour-là, en réponse à la question qui lui était posée sur l'évolution nécessaire, selon lui, de la régulation en France et en Europe.


Xavier Hürstel - "Merci à vous, merci pour ce souhait d’anniversaire. Bonne question, très large, sur laquelle je vais essayer également de tenir en dix minutes. Vous parlez d’opérateur historique, comme effectivement nos homologues de la Française des Jeux l’ont dit : la loi d’ouverture a bien fonctionné. Il faut rappeler des choses simples : ce n’était pas une loi d’ouverture de marché, c’était une loi de régulation d’un marché qui était déjà assez largement ouvert de manière offshore. Donc maintenant, la loi a un cadre précis, on en a parlé, on ne va pas revenir dessus. Protecteur pour les opérateurs légaux, licenciés, protecteur pour les consommateurs, et puis qui a permis surtout à l’offre légale de se développer. Cela est aussi un principe qu’il faut que l’on retienne pour la suite : l’une des manières de lutter contre les paris clandestins, c’est d’augmenter l’offre légale. L’offre légale, c’est celle qui permet en l’augmentant de se défendre contre le jeu illégal.


Je voulais aussi revenir sur trois points de règlementation, et je profite de la présence de la Commission Européenne  là-dessus qui fait que la règlementation française a  trois particularités dont on disait au début que cela ne marcherait pas dans le droit communautaire, et cela a marché. Comme quoi on fait beaucoup quelquefois d’"Europe bashing" dans notre pays et l’Union Européenne sait être pragmatique. La première chose c’est que tout le monde disait qu’on ne peut pas réguler internet, qui est transfrontalier, par des licences nationales. Et bien cela marche, on peut réguler internet avec des licences nationales malgré les frontières. D’ailleurs le modèle français est plutôt copié par d’autres pays qui veulent également ouvrir leur marché internet. Le second point qui concernait beaucoup l’industrie hippique, l’industrie des courses, c’est que l’on se demandait si  un retour financier pour la filière des courses était possible de la part des nouveaux entrants sur le marché du pari hippique. Eh bien oui, c’est possible. Il y a une redevance spécifique qui a été créée et validée par la Commission Européenne, et par exemple le Royaume-Uni, actuellement, étudie un système de ce type pour pouvoir remplacer son traditionnel  Levy* qui se fait sur les opérateurs de paris hippiques.


Troisième point, c’est que, en France,  le modèle de pari sur les courses est un modèle mutuel. C’est un modèle mutuel parce que c’est le meilleur modèle pour rendre du financement à la filière hippique. De toute façon, les faits sont là : il y a cinq grands pays qui ont des industries hippiques dans le monde à succès, ce sont cinq pays qui ont une exclusivité en pari mutuel. Donc si on veut une industrie hippique puissante, il faut un pari mutuel. Et bien cette « exception française », elle a été validée dans la loi et elle a été validée par l’Union Européenne. Donc on a trois points de pragmatisme qu’il faut souligner dans cette ouverture.


Impact économique actuel, puisque c’est la question, sur le PMU : c’était un défi pour le PMU que cette ouverture du marché internet, encore une fois quand le marché s’est ouvert, nous étions concernés 10% de notre activité entrait directement en concurrence, 100% de notre activité entrait indirectement en concurrence puisque le parieur hippique pouvait tout à fait partir sur internet. Nos collègues de la Française des Jeux, avec une activité pari qui était moindre, n'étaient concernés qu’à hauteur de 0,4%  de leur activité sur internet en concurrence directe, et 7% en concurrence indirecte. Donc nous, on avait un vrai défi  qui nous attendait. Là-dessus, sur le pari hippique, le marché du pari hippique online est sans doute arrivé à un certain niveau de maturité en France. Entre nous et les autres opérateurs, il faut surtout maintenant innover sur les produits  pour retrouver de la croissance. On a en fait un sujet, c’est que nous arrivons à avoir une bonne activité hippique sur internet parce que le fait de pouvoir proposer également du pari sportif  sur internet  permet de recruter des parieurs sur le sport, sur le poker, et c’est notre mission d’intérêt général de leur proposer du pari sur les courses. Et donc ce que l’on appelle en marketing un cross sell  qui est bénéfique aux paris hippiques  sur internet.
Sur le pari sportif, l’activité économique est également bonne. L’ouverture a bien fonctionné. Le seul sujet, c’est que c’est le marché sur le dur qui a surtout progressé. Je vais revenir là-dessus. Sur le poker, on a un marché qui est en baisse. Les opérateurs le citaient : c’est un déclin fort du marché. On demeure cependant le troisième opérateur de ce marché. On a en fait un problème de liquidités avec un départ de gros joueurs qui quittent les tables françaises de poker pour repartir sur les tables offshore  et c’est un des sujets à venir. 



Donc, vous me demandiez les enjeux économiques à venir. Pour moi, il y en a deux : le premier qui est de se souvenir de ce qu’il y a dans la loi de 2010. La loi de 2010 avait un article 3  qui disait qu’il faudrait  que l’évolution économique  à l’issue de la loi, je cite, « veille au développement équilibré et équitable des différents types de jeux afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées. On le voit bien, c’est majoritairement les courses, le sport, indirectement le secteur de la culture il ne faut pas l’oublier qu’il est financé par une taxe sur le poker. Mais c’est surtout les courses et le sport. Or, que constatons-nous ? C’est qu’au PMU comme de la part des autres opérateurs qui offrent du pari hippique, les recettes issues du pari hippique  qui alimentent la filière hippique  sont en diminution, chez nous comme  chez les autres. C’est pourquoi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la concurrence n’est pas une concurrence sur internet entre différents opérateurs, mais cela vient bien chez nous d’une concurrence entre les produits, et que le pari hippique est quelque chose de très concurrencé par le pari sportif. 


Au début, on estimait tous que la croissance du marché du pari sportif sur internet  serait importante. On a en fait un marché qui s’est équilibré, d’ailleurs il faut le dire, un tiers du marché est sur internet et deux tiers du marché sont dans le réseau offline. La croissance du pari sportif offline était deux fois plus importante  que la croissance du pari sportif sur internet. C’est donc un vrai sujet pour nous, PMU. Le pari hippique en dur est très concurrencé par le pari sportif  en dur et là, nous ne pouvons pas offrir de paris sportifs en dur. Ce que nous pouvons faire en cross sell sur internet, nous ne pouvons pas défendre le pari hippique par du cross sell avec le pari sportif. C’est un sujet important, c’est un problème que nous posons dans les réflexions à venir. Comme le disait mon homologue de la Française des Jeux, je pense que le marché du pari sportif sur internet a aussi profité du marché en dur. Moi, ce que je constate également, comme je le disais, c’est que l’activité de pari sportif en points de vente a aussi profité de tous les efforts de communication qui ont été menés par tous les opérateurs, dont nous, qui avons joué l’ouverture du marché. C’est un vrai sujet et je reprends un écrit de l’Arjel  d’octobre dernier : « Une distinction trop rigide entre le réseau physique et le réseau en ligne ne correspond plus aux évolutions technologiques du secteur et à la vision des joueurs qui jouent dorénavant indifféremment sur les deux réseaux. Il faut donc que l’on arrive à trouver une cohérence là-dessus.


Deuxième enjeu économique que je voulais citer, je vais être rapide là-dessus, c’est de permettre des nouvelles offres de jeu pour maintenir l’attractivité de l’offre légale. Comme nos homologues de la Française des Jeux, je pense qu’il faut être prudent là-dessus. La loi en France a défini une ligne rouge. Cette ligne rouge c’est le hasard d’un côté et l’expertise et le pari de l’autre. Il y a une cohérence dans cette ligne rouge et j’estime qu’il faut la maintenir. Le hasard n’est pas concerné à ce stade par nos réflexions. Sur ce qui est plutôt une zone grise dans ce qui est autorisé en France, on a quatre sujets qui sont des sujets qui peuvent avoir un impact de régulation et un impact économique à venir. Le premier qui est très connu maintenant, et sur lequel l’ARJEL travaille, ce sont l’ouverture du poker aux tables internationales qui nous permettrait de retrouver les grands joueurs  qui, eux, pour l’instant sont partis à l’étranger. Je ne vais pas revenir là-dessus parce que c’est un sujet que l’ARJEL connaît bien et que l’on partage avec beaucoup d’autres.

Le second point c’est  que sur ce qui est autorisé en paris sportifs en France, il y a toujours une gamme de paris que l’on peut élargir. L’ARJEL est revenu sur ce qui était un moment prohibé en matière de matches sans enjeux. On a restauré pas mal de paris sur ces matches et finalement ça se passe très bien. L’ARJEL a dorénavant autorisé les paris avec handicap  sur le rugby. Moi, je note que la saison de TOP14 qui vient de commencer, 25% des paris sont des paris à handicap, 33% sur la Pro D2. Donc il y avait un vrai marché sur les paris à handicap, et moi je pense qu’il faudra regarder si ces paris à handicap ne pourraient pas concerner d’autres sports. Et puis, il y a des championnats qui se développent de manière très spectaculaires en France et à l’étranger : c’est le football féminin. Donc j’appelle à une réflexion là-dessus. Ça, c’est sur ce qui est autorisé.


Ensuite, on a des zones grises. Comme le disaient nos homologues de la Française des Jeux, la première est les skill games, jeux d’adresse, qui ont largement été payants en France. Payer pour jouer, ou gagner de l’argent, que pour l’instant la loi interdit . Maintenant, ce n’est pas tout d’interdire. De fait, on peut toujours jouer à des skill games plus ou moins payants sur des sites plus ou moins offshore, et là-dessus on pense qu’il faudrait aller plus loin.  Il faut se poser la question des skill games : soit il y a réellement de l’argent derrière, ça rentre dans la loi de 2010, soit le skill game est totalement interdit en France, auquel cas on a un vrai sujet de blocage, également , des sites là-dessus. Parce que je le revois très bien dans l’enquête de l’Observatoire des Jeux, pour un client, jouer en skill games c’est la même chose que jouer en ligne. Il ne voyait pas la différence. Second point de ce que l’on appelle les zones grises, ce sont les Fantasy League et eSports. Ce sont deux choses qui sont différentes. Fantasy League, c’est beaucoup, en particulier dans le milieu anglo-saxon, la capacité d’un joueur de manière fictive de constituer une équipe de football et d’encaisser des gains en fonction de ce que ses joueurs de ligue de football réalisent comme réelles performances sur la vie réelle du championnat, en nombre de buts marqués, etc. Un gros succès aux Etats-Unis des Fantasy League avec un débat américain disant « Peut-on parier ou non sur des Fantasy League ? ».
Ça commence à se développer en France. Il faut ouvrir ce sujet, peut-être pour le fermer. En tout cas, c’est vraiment une zone grise sur laquelle il faut avancer. Sur le eSport, c’est la même chose. Ces championnats qui sont, là pour le coup, sur des équipes quasiment professionnelles de jeux vidéo, il y a une activité qui se développe, le pari sur le eSport se développe. C'est une zone grise, il faut savoir ce que l'on en fait. Je constate que la Secrétaire d'Etat au Numérique, Axelle Lemaire, a ouvert la consultation visant à co-construire le projet de loi sur le Numérique dans les semaines à venir et que la première question qu'Axelle Lemaire pose dans cette consultation numérique, c'est : "Quelle place pour le eSport en France ?". Donc il faut pouvoir répondre à cette question pour que nous ne recommencions pas à avoir de jeux clandestins en matière de skill games, de Fantasy League et en matière d'eSport. Voilà quelles sont, Monsieur le Président, chers orateurs, ce que nous souhaiterions voir comme sujets économiques à venir dans les réflexions que vous lancez."

soxav 

* Mécanisme issu des années 50 et 60 par lequel la filière hippique reçoit chaque année un revenu des opérateurs de paris.

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